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1 janvier 2007

Rencontre avec Loquita -2ème partie



Un mois plus tôt, j’avais appris qu’Isabelle Adjani avait été l’invitée d’honneur d’une soirée de présentation de la ville de Dubaï. Elle avait prêté son nom et son image à la promotion de ce lieu qui se veut la destination touristique du futur.











 Dubaï, l’endroit où les richards de cette planète viennent claquer leurs clinquants euros et dollars, où des centaines de milliers d’émigrés en provenance d’Asie, depuis des années, viennent construire tous les fabuleux hôtels et les luxueux édifices, dans des conditions proches de l’esclavage. Se retrouvent coincés là, à ne même pas gagner assez d’argent pour faire vivre leur famille restée au pays. Désespèrent, privés de tous leurs droits. Beaucoup se suicident. Lisez les rapports de l’association internationale de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, je vous assure que je ne raconte pas des salades.

Ça m’avait mise tellement mal à l’aise, de voir mon actrice bien aimée mêlée à ça, même de loin, même innocente, ignorante de l’envers du rutilant décor, que m’est venue l’idée de lui fournir la série de reportages radiophoniques par lesquels j’avais appris cette ignominie. J’ai enregistré les huit émissions sur des cassettes. Des cassettes audio ! Plus personne n’écoute des cassettes audio de nos jours ! Si ça se trouve, elle n’a même pas de quoi les écouter. J’ai acheté une jolie boîte, noire et rose fuschia, avec un liséré de dentelle bordant le rose. J’ai mis les cassettes à l’intérieur, avec une lettre. Quand mon tour est arrivé, je lui ai d’abord dit : «Je vous ai apporté une lettre.» Je lui ai tendu la lettre classique, dans une grande enveloppe bleue, puis la boîte.
- Qu’est-ce que c’est ? a-t-elle demandé.

- ça, c’est une lettre, ai-je répondu, désignant l’enveloppe, et ça… c’est une autre lettre…

Puis j’ai déplié mon poster.

Et voilà, c’est tout. Je ne lui ai rien expliqué. J’avais eu l’intention de lui exposer en quelques mots le contenu de la boîte, et pourquoi j’avais eu envie de lui faire découvrir ces reportages ; mais soudain, je me suis sentie encore plus «lourde» que tous les SDF et tous les Ravis de la terre réunis ! Je me suis sentie lâche car je n’ai pas eu le courage de lui parler. Encore aujourd’hui, j’en éprouve du regret, mais pas de remords parce que je me dis que si c’était à refaire, je referais très probablement pareil. J’étais tellement pénétrée d’un sentiment de honte de la retenir dans ce lieu, pour cette interminable séance de dédicaces, alors qu’elle me semblait mériter le repos, toutes affaires cessantes, que je me suis efforcée de lui prendre le moins de temps possible. Cela s’appelle : faire les choses à moitié.

Je n’ose pas imaginer vos réactions. J’espère que vous comprendrez ma démarche, j’espère qu’elle la comprendra aussi, j’ai tenté de la lui expliquer dans ma lettre, mais cela aurait paru plus sincère si j’avais eu le courage de lui en dire deux mots, en direct. Il ne s’agissait pas de lui faire la morale, mais de mettre à sa disposition une information à laquelle, selon les apparences, elle n’a pas encore eu accès.

Je ne me fais pas d’illusions. Même si je lui avais parlé, la probabilité que nous découvrions dans quelques semaines un reportage dans Paris Match sur Isabelle Adjani s’extasiant devant les merveilles de Dubaï est mille fois plus grande que celle qu’elle écoute ces reportages. Alors disons que j’ai fait cela pour moi. Pas pour elle ; pour moi, pour ma conscience.

J’ai déroulé mon poster sur la table devant elle, elle a posé la boîte de cassettes sur un bord, pour l’empêcher de se ré-enrouler sur lui-même, et elle s’est exclamée : «Oh, je ne connais pas cette photo ! J’en découvre tous les jours !» Là, pendant quelques secondes j’ai entrevu avec terreur le moment où elle allait me demander si elle pouvait la garder !!! C’est un poster en noir et blanc que m’avait offert mon amie Christelle, qui était restée avec nous pour la séance de dédicaces et qui se trouvait donc présente dans la pièce. C’est une photo de tournage de Camille Claudel. On est dans le décor de la villa où Camille s’est réfugiée avec Rodin et où ils sculptent jour et nuit. Isabelle A. est allongée dans un canapé, elle jette un regard au photographe, et le détail que j’adore, ce sont ses baskets ! Elle est en costume, dans sa robe de Camille, et elle porte des baskets ! Sait-elle que Greta Garbo a tourné «Camille», de George Cukor («Camille» est le titre original, le titre français est «Le Roman de Marguerite Gautier»)… en pantoufles ? Elle portait des robes si longues qu’elle pouvait se permettre de chausser des pantoufles, sous ses costumes de rêve !

Encore un point commun entre la Divine des années 1930 et notre Divine de maintenant !

Je lui ai expliqué que c’était mon amie ici présente qui avait déniché ce poster, j’ai fait signe à Christelle de s’approcher et elle lui a précisé qu’elle l’avait trouvé dans une petite boutique sous la pyramide du Louvre. Isabelle Adjani m’a alors demandé à quel nom elle devait le dédicacer et là encore, je ne suis pas fière de moi, mais d’autres avant moi, et je les remercie ici, ont confessé avoir bredouillé des âneries, face à elle. On prépare de belles phrases, et puis Elle est là, face à vous… et vos jolis mots se carapatent, comme des lapins affolés !

J’ai dit : «ça va vous paraître bizarre (pourquoi j’ai commencé comme ça ? C’était mal parti !), mais je voudrais que vous la mettiez au nom de Loquito et Loquita»… Et là, j’ai commencé à lui raconter ma vie : «C’est un ami, je l’ai rencontré grâce à vous, je l’appelle Loquito et…»

Là, elle me coupe : «Si vous pouviez juste me dire : comment ça s’écrit ?» Alors j’ai épelé en me traitant de tous les noms, là-dessus le Ravi que nous n’avions plus entendu depuis un moment s’est approché :

- Vous connaissiez Pierre Clémenti, Isabelle ?

Elle : - Oui. Un grand acteur…

Le Ravi : - Il est mort, hein ? Il est mort Pierre Clémenti ?

Alors elle a eu du mal à trouver ses mots pour ma dédicace. Elle a écrit «Avec Bonheur. Pour Loquita et Loquito. Isabelle Adjani» Elle a écrit LoquitA avant LoquitO par pur esprit de contradiction. Je lui avais bien dit « LoquitO et LoquitA » mais elle n’en a fait qu’à sa tête, comme d’habitude, et alors j’ai su avec certitude qu’elle deviendrait un jour prochain Ambassadrice Officielle de Dubaï APRÈS avoir écouté mes cassettes, juste pour m’embêter !

Elle a levé ses yeux vers moi qui me tenais debout à ses côtés. Elle m’a dit : «C’est court… Je ne sais pas, parfois dire peu c’est mieux… ça ira ?» et je me suis empressée de répondre : «Oui, bien sûr, c’est parfait !»

Après, ça a été le tour de Tessa. Elle vous l’a raconté mieux que je ne saurais le faire. Pendant son moment privilégié, j’ai remballé mes affaires, et quand Tessa s’est levée, Christelle nous a rejointes et nous sommes sorties ensemble. Il est resté, en plus du SDF et du Ravi, le Lyonnais, le Londonien, un autre jeune homme… Z’avaient été assez futés pour passer en dernier !

Dehors, j’étais prête à rentrer, moi, quand Tessa a dit : «Restons ! S’il te plaît, on peut bien attendre encore un petit peu, non ? Jusqu’à ce qu’elle parte…» Ah ça oui, on pouvait. Christelle a commencé à exprimer comme elle se sentait abasourdie d’avoir découvert Isabelle Adjani si simple, humaine, naturelle, à mille lieues de son image de star inaccessible et capricieuse.

Le Lyonnais est sorti. Il est venu vers nous, des étoiles dans les yeux : «C’est incroyable comme elle est… C’est une star, une immense star – et là, on entendait le S majuscule et les dix «a» de Staaaaaaaaaar ! – et elle se montre disponible comme ça…»

Après est sorti le Ravi. Lui aussi s’est approché de nous et là, alors là, il a posé les yeux sur Tessa… et zing ! boum ! comme chante Bjork, il n’a plus eu d’yeux que pour elle ! C’est pas que nous soyons des mochetés sans nom, mon amie Christelle et moi, non mais je ne vous permets pas ce genre de raccourcis ravageurs, mais enfin, Tessa est tout à fait charmante… a vingt ans de moins que nous… et alors le Ravi ça l’a tout retourné.

- Comment tu t’appelles ?

Elle lui répond.

- Et dis-moi Tessa, t’as un fiancé ?

Elle lui répond.

- Comment il s’appelle ?

Elle lui répond pas.

- Et où tu habites ?

Elle lui répond aussi vaguement que possible.

- Moi j’habite à tel endroit.

(me rappelle plus où ! Tessa vous dira…) (Naaaan, j’déconne !)

- Est-ce que je pourrai te revoir, Tessa ?

Il lui prend la main, alors je m’approche pour qu’elle ne se sente pas abandonnée entre les griffes douces de ce gentil pot de colle.

- C’est quoi, ton animal préféré ?

Les questions les plus saugrenues lui venaient à l’esprit.

- Vous avez vu la voiture grise, là-bas ? C’est dans cette voiture qu’Isabelle Adjani va monter…

Je serais incapable de tout retranscrire, ça fusait dans tous les sens, ça sautait du coq à l’âne, on était mortes de rire.

Puis Isabelle Adjani est sortie. Nous lui avons lancé des «Merci ! Merci pour tout !» Elle nous en a adressé aussi puis a marché jusqu’à cette fameuse voiture.

Voilà. Ce n’est pas près de m’arriver à nouveau, une soirée pareille, alors j’ai été longue, très longue, sans doute trop, dans mon récit, mais je ne vous embêterai plus de sitôt parce que ce n’est pas près de m’arriver à nouveau…

Loquita

3 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour
j'ai passé 3 jours à lire tous les commentaires de ce blog, c'est une véritable mine d'info. Les rencontres sont très bien racontées et vous avez bien de la chance d'avoir vu la diva. Je n'ai vu la pièce qu'une fois, mais il m'a fallu un mois pour me remettre, et encore !
Bonne continuation à ce blog et bonne année

Christophe

Anonyme a dit…

Beh dis c'est pas un vrai fan le gars qui lui a demandé si elle connaissait Pierre Clémenti, il a tourné avec elle dans quartet!

fredjani a dit…

Je suis surpris par le peu de réactions suscitées par le récit de Loquita, moi comme je te l'ai déjà écrit , je n'aurai pas osé faire cela...
je reste dubitatif , connaissant un peu l'engagement d'isabelle, sur le fait qu'elle ne soit pas au courant des faits que tu rapportes toi -même...
Isabelle a souvent démontré sa capacité à réagir face à l'intolérance, aux extrêmes, la pauvreté....Je ne pense pas qu"elle soit à ce point décalée de la réalité, maintenant alors pourquoi en a t'elle accepté la promotion....???
Dans l'article on disait bien (de mémoire) qu'elle avait fait un passage....éclair...
Mais bon loin de moi, de dire si tu as eu raison ou tort , comme ce qu'a fait isabelle...
A un moment donné , on fait des choix....
J'avais adoré tes explications pour Loquito/Loquita...
je suis sûr qu'elle aura mis le prénom féminin par pure galanterie ! lol
Quant à moi je ne connais pas pierre clémenti et encore moins s'il est vivant....
Tessa m'a raconté dernièrement qu"elle avait à nouveau croisé "le ravi" et qu'ils avaient conversé ...notamment sur isabelle, mais ca c'est une autre ...histoire !

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