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29 août 2012

SUD-OUEST : "J'ai parfois un peu honte d'être célèbre"


Isabelle Adjani en interview pour le quotidien SUD OUEST








Il est probable que sans elle, « David et Mme Hansen » ne retiendrait pas l'attention. Mais Isabelle Adjani est là, à la fois radieuse et tragique, et son statut d'icône façonne son personnage jusqu'à rendre troublante sa composition. Mme Hansen est amnésique à la suite d'un traumatisme que le film, peu à peu, exhume. Le temps d'une journée passée avec un ergothérapeute (Alexandre Astier, à la fois acteur et réalisateur) censé l'aider à acheter des chaussures, Mme Hansen quitte la clinique où elle est soignée et se révèle inattendue, capricieuse, drôle, insolente, vulnérable et attachante.
Isabelle Adjani a voulu faire ce film avec Alexandre Astier et s'abandonne sans manières à l'exercice de la promotion. Sa voix est flûtée, enfantine, et ses mots choisis minutieusement mais sans affectation. À la vérité, elle est malicieuse et pleine d'humour. Vous pensiez interroger une star et vous bavardez avec une femme qui pourrait être votre amie.


« Sud Ouest ». Au fond, cette Mme Hansen, elle est comme une star…
Isabelle Adjani. Oui, c'est vrai. Elle occupe avec aplomb le centre de sa vie et elle se pose là de façon très égocentrique… Mais je ne pense pas que ce soit moi qui aie pu inspirer à Alexandre Astier ce personnage…
Vous êtes néanmoins une vedette, et votre aura lui donne une dimension particulière. Est-ce que la célébrité est un fardeau ?
Il suffit de voir dans quel état se sont mises certaines stars… La célébrité n'apporte rien d'extraordinairement bon dans la vie, et c'est doublement difficile aujourd'hui avec ce commerce de l'image des gens célèbres, qu'ils aient ou non du talent, qui rend ce marché assez abject. Moi, j'ai parfois un peu honte d'être célèbre. Ce qui avant faisait l'honneur d'une vedette - la couverture d'un mag par exemple - s'est transformé en gêne. Alors, bien sûr, on peut toujours refuser, mais c'est délicat de mettre en péril l'exploitation d'un film.
Et puis, on est tenu de donner des nouvelles de temps en temps, et pourtant, j'en donne peu - ce qui, d'ailleurs, et ça me fait rire, m'a toujours été présenté comme un risque sérieux qu'on prenait pour sa carrière…
Les scénarios que vous recevez sont-ils diversifiés ? Vous propose-t-on des rôles de femmes ordinaires ?
Oui, regardez « La Journée de la jupe ». Je reçois des scénarios assez diversifiés, et si la profession est un peu troublée par mes choix qui ne sont pas tous répertoriables, cela permet à des audacieux de se dire : pourquoi pas moi ? Mais il n'y a pas beaucoup de projets très passionnants, c'est pourquoi j'essaie d'en développer avec ma société de production, Isiafilms.
C'est dans ma nature de ne pas fuir les contrariétés de l'existence, mais, comme mes amis me disent que je ne vais jamais aussi bien que quand je travaille - et je suis bien obligée d'admettre que c'est vrai -, j'ai intérêt à m'y mettre !
Vous pourriez aussi solliciter des auteurs qui vous intéressent…
Ce n'est pas très facile d'aller voir un auteur et de lui proposer de tourner avec moi… Il faut que je me fasse un peu violence. Je l'ai fait parfois, mais à moitié et du coup ça n'a rien donné de satisfaisant. Je n'ai pas confiance en moi, j'ai sans cesse besoin d'être rassurée là-dessus.
Malgré votre talent, votre notoriété et votre beauté ?
Et même après douze ans d'analyse, oui.
La beauté est-elle aussi un fardeau ?
Je ne peux pas répondre sérieusement car j'ai mis du temps à me trouver belle. J'ai été élevée sans qu'on me dise jamais que j'étais belle, donc je ne l'étais pas. Je me souviens de mon père frappant à la porte de la minuscule salle de bains et me disant : Sors de là, tu vas salir le miroir »… Comment voulez-vous vous sentir belle après ça ? Pouvoir libérer mon imaginaire très jeune malgré la peur de ne pas être à la hauteur et la difficulté du milieu de la scène et du cinéma m'a sauvée. Car c'est un milieu très dur où l'on vous juge sans cesse. Et ce qui est terrible, c'est qu'à l'autorité parentale, pour moi, s'était substituée celle de juges, à travers la presse, qui savaient mieux que moi ce que j'étais ou voulais ! Ça, ça vous décime, ça met en pièces vos idéaux de jeunesse ! J'ai vu tellement d'actrices pleurer… Et des acteurs aussi, car les hommes sont souvent plus fragiles, alors que nous, même blessées, nous continuons d'avancer.
Vous évoquez votre métier comme une profession de foi…
C'est une définition intime, même si on n'est pas non plus là pour se faire dévorer les entrailles. Mais je ne peux pas faire un film comme si j'allais seulement au boulot. D'ailleurs, je me demande si ce n'est pas très masculin, cette façon de faire du cinéma comme un travail ordinaire - je pense notamment à cette génération qu'ont incarnée Michel Serrault et, avant lui, Jean Gabin. Moi, j'ai besoin d'être convaincue pour être convaincante, et sans la passion de jouer, ça ne prend pas. Donc, je me suis résignée, non sans délice d'ailleurs, à faire mon métier passionnément, au sens mystique du terme.
Si vous pouviez changer quelque chose ?
J'aurais aimé avoir la conscience de la nécessité de s'entourer de gens qui veulent votre bien. « Quelqu'un qui vous aime est quelqu'un qui veut votre bien », disait Sagan. J'aurais voulu être plus attentive à ça, plus vigilante…
Durant les Césars 1989, vous aviez lu un extrait des « Versets sataniques ». Où en est votre engagement ?
Je ne suis pas une pasionaria, je n'ai pas les épaules pour être militante ou activiste, mais je suis capable d'interventions. D'ailleurs, je suis une sprinteuse ; à 12 ans, j'étais championne du 60 mètres et j'ai dû arrêter parce que j'ai commencé à tomber pendant les courses, attirée par le sol - ces handicaps qu'on se colle à soi-même, c'est très étonnant -, donc, adieu le marathon, je gère mes interventions comme des sprints. Au lieu de nier mes fragilités, je les accepte et je choisis ce qui exige de moi du dépassement

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