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31 décembre 2010

Isabelle Adjani , en toute liberté , l'entretien.

L'année 2010 pas encore finie, Isabelle Adjani nous offre une interview pour (bien) commencer la nouvelle année.Une interview très accès sur ses sentiments , le mariage, l'analyse... Une interview très décalée au regard des photos légères et pétillantes d'Ellen Von Unwerth...




Paris Match. Souvent, les actrices commencent leur carrière en se dénudant. Vous, vous avez ­attendu avant d’oser ; pourquoi aujourd’hui ?


Isabelle Adjani. Pas du tout ! J’ai été complètement dénudée dans “L’été meurtrier”, un peu moins dans “Mortelle randonnée”, mais c’est vrai que je n’ai pas centré ma carrière là-dessus. Avec ces photos *, c’est juste une façon sexy de donner de mes nouvelles. En quoi est-ce dénudé ? C’est l’ambiance “Cabaret” chère à la grande photographe Ellen von Unwerth, qui aime que ses modèles soient accessoirisés de manière ultra ­féminine et charnelle.

Est-ce que la libération du corps est forcément liée à celle de l’esprit ?

Oui, je pense qu’avec l’une sans l’autre, rien n’est possible. On peut s’emprisonner dans son corps par découragement, par épuisement, par manque affectif... Peu importe comment je trimballe mon corps et comment je trimballe ma tête, en ce qui me concerne. Ce que je sais, c’est que les deux sont parfaitement solidaires.

Est-ce qu’être heureuse ou malheureuse a une incidence sur votre aspect physique ?

J’ai un corps émotif qui répond aux sensations, aux émotions, et peut me trahir... Certaines femmes ont un curseur extrême à la minceur ; chez d’autres, et bien plus encore chez une actrice, un corps ça fluctue, ça se vit et ça se voit à travers l’image d’une pulpeuse Monica Bellucci, d’une lumineuse Kate Winslet, d’une intrépide Juliette Binoche. Elles incarnent une féminité et une beauté qui se passent de la perfection immuable. Et heureusement, c’est ce qui nous sépare du monde des top models et nous accorde un supplément d’âme.

Vous avez envie de vous montrer sous un jour plus sensuel, plus provocateur. Quel est le message ?


C’est un message de ma mère plutôt que de moi-même : “Souviens-toi que j’ai fait une fille bien foutue !” [Rires.] Mais c’est vrai qu’en ce moment je trouve l’existence belle, parce que c’est une période de ma vie drôle, provocante, sensuelle.


Monica Bellucci disait que ses photos dénudées étaient “un adieu à la beauté de la jeunesse”... Vous avez peur du temps qui passe, du jour où définitivement ce ne sera plus possible ?

Chez moi, il n’y a pas de chronologie, celle des étapes de la vie d’une femme... C’est à la fois plus anarchique, agité, et aussi caché derrière un paravent qui peut tomber, c’est sûr, mais le rapport heureux à mon corps vient de l’intérieur. “S’aimer et se laisser aimer”, c’est ma devise pour être invincible face au temps. Ce n’est pas l’extérieur qui va décider pour moi. Je m’entends très bien avec l’“intemporel”... Certaines stars vivent leur beauté au pouvoir comme des activistes, Sharon Stone... Je ne suis pas dans la dynamique californienne du canon à tout prix... Même s’il y a du bon à développer son inclination pour le sport, le yoga et le sexe, je suis, par nature et par goût, une orientaliste.

Ce n’est plus un seul homme que vous voulez séduire mais tous les hommes ?


Séduire pour séduire ou se trouver séduisante pour mettre la tête à l’envers de celui-ci ou de celui-là m’a toujours paru sans intérêt, c’est une promesse de déception en amour.

Vous dites ça à la suite de chagrins d’amour ?

Les chagrins d’amour, ça ne se regrette pas. Et ceux que j’ai eus font partie de mon chemin de vie.


Qu’est-ce qui vous fait peur et que vous trouvez difficile dans la vie amoureuse ?

J’ai souvent eu du mal à m’occuper de moi en m’occupant des autres, que ce soit la famille ou quelqu’un qui entre dans ma vie, et j’ai longtemps cru, sans m’en rendre compte, au sacrifice. Ça fait déjà un certain temps que je n’y crois plus du tout ; se sacrifier, c’est inévitablement se déclarer victime ! Finalement, la victimisation, c’est une excuse pour arriver à rien.


Et pour embêter les autres, il n’y a pas de petits bénéfices !

Oh oui ! [Rires.] “Nous pardonnons à ceux qui nous ennuient mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons”, disait La Rochefoucauld. Dans ma vie privée, je préfère garder pour moi des douleurs qu’on peut juger infondées...

Vous êtes assez douée en “douleurs infondées” ?

Mais c’est mon métier, aussi, de faire passer des douleurs infondées pour des rôles dramatiques. Heureusement que je suis douée pour ça !

Je parle de la vie privée ! Mais vous avez souffert de chagrins d’amour...

Oui, je pourrais écrire un livre magnifique et indigeste sur ce thème ! Mais la complaisance ne m’intéresse pas trop. J’ai fait le tour du dolorisme grâce à la psychanalyse. Ce que la vie me propose, je le prends, je souris et je dis merci.


Qu’est-ce qui s’est passé dans votre dernière relation amoureuse ?

Je n’en parlerai pas. Mais quand une femme se retrouve dans une vie qui ne lui va pas, elle peut arriver à se convaincre du contraire pendant des années, pour sauver ce qu’il y a à sauver. Je suis d’une nature fidèle, c’est-à-dire que je peux me retrouver en croisière, en pleine mer, avoir de l’eau jusqu’au cou, et m’entendre dire : “Mais non, le bateau n’est pas en train de couler.” La force de déni est une force incroyable chez les monogames comme moi.


Vous avez sauvé les relations avec les pères de vos enfants [le réalisateur Bruno Nuytten et l’acteur ­Daniel Day-Lewis] ?

Rien de plus juste à faire quand l’amour est indiscutable. J’ai dit à mon second fils : “Si ton père et moi nous sommes séparés, rappelle-toi toujours que ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus d’amour mais parce qu’il y en avait trop.”


Si c’était à refaire, comme on dit, vous auriez préféré être une femme dominée par la raison ?

J’aurais peut-être aimé faire un mariage de raison, mais très jeune, et transgresser en ayant plein d’aventures secrètes. Je plaisante. Mais rester “libre”, ne pas se marier, au fond ça ne rend pas si libre que ça.


Vous pourriez vous marier ?

J’ai failli le faire à plusieurs reprises... Le secret, c’est de se sentir suffisamment libre en soi pour que ça n’enchaîne plus.


La cure analytique, c’est la vraie mise à nu ? Plus que de se dévêtir dans un journal ?

C’est la mise à nu qui pulvérise la surface et permet de faire connaissance avec soi pour devenir une autre, c’est-à-dire soi-même, et enfin s’aimer. Si on compte sur les autres pour vous aimer à votre place, sur la durée c’est invivable.

On a l’impression, en vous écoutant, que c’est dur d’être soi-même quand on est Isabelle Adjani...

Etre moi-même, ça a été la chose la plus complexe à atteindre. L’amour ne guérit pas tout, il peut aider, protéger, inspirer... Le travail professionnel non plus... Il faut descendre dans la mine, tout au fond de son être, d’abord.


Etes-vous votre meilleure amie ? Je vous pose cette question parce que je n’ai pas l’impression que vous vous protégez beaucoup de vous-même...

Vous pouvez croire que je suis ma plus grande ennemie, parce que je prends des risques. Mais je suis aussi capable de devenir ma meilleure amie, sinon, justement, je n’aurais ni le courage, ni la force, ni la créativité de prendre ces risques.

Ce besoin d’inconditionnalité, est-ce une force, une fragilité ? Mme de Staël disait que la passion s’emparait d’elle “comme une ­espèce de dictature qui fait taire les autorités de l’esprit, de la raison et du sentiment” ; pour vous également ?

Oui, c’est tellement juste, on naît ou on ne naît pas douée de talent pour la passion, et apprendre à en subir les effets pervers est un art des plus nobles. Le talent pour la passion est à manipuler avec précaution tant il est explosif.

Natalie Barney traitait le hasard “de maladroit”. Comment a-t-il été avec vous, ce hasard ?

Le “mektoub”, vous voulez dire ? S’il ne m’épargne pas, il est plutôt bienveillant avec moi.

Est-ce que vous allez changer ­totalement, devenir une amoureuse plus légère et volage ?

Sincèrement, c’est déjà le cas !

Vous êtes amoureuse en ce ­moment ?

Mais évidemment... Si ça ne se voyait pas, vous ne me poseriez pas la question, non ?


Quelle importance accordez-vous au regard des autres ?

De moins en moins d’importance. Une des choses qui sauvent la vie c’est la parfaite indifférence aux jugements.


Il y a aussi la recherche de la pureté qui peut empoisonner la vie ?

Oh ! La belle promesse de ­catastrophe ! Dangereuse, la ­pureté, non ? Il suffit de regarder l’état des mondes religieux, où la pureté se brandit comme l’arme la plus meurtrière d’un revival moyenâgeux et obscurantiste.

J’ai toujours aimé les métiers ­austères...

... Moi aussi. Si je n’avais pas été actrice, j’aurais fait un métier solitaire, chercheuse ou écrivain, juge pour enfants, humanitaire... Surtout faire des choses dans l’indépendance et dans l’obscurité ! Etre dans la lumière avec mon éducation, ça voulait dire être dans l’obscénité.

La lumière ne vous aurait pas ­manqué ?

Je ne pense pas, mais ce n’est sûrement pas vrai ! Du moment que la joie de vivre est au rendez-vous...

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