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25 août 2016

Interview SUD OUEST : Isabelle Adjani parle à coeur ouvert mà j 26 aout : photo inédite

Interview pour le journal local SUD OUEST à l'occasion de la présentation de son film au festival d'Angoulême.




Isabelle Adjani vient présenter ce jeudi "Carole Matthieu", le thriller social de Louis-Julien Petit. Entretien
Sa parole est rare. Isabelle Adjani l'accorde avec parcimonie. À l'heure de fouler, pour la première fois, le tapis bleu du Festival du film francophone, l'actrice énigmatique au parcours sans fausse note a pris le temps d'un entretien à bâtons rompus. Où il est longuement question de "Carole Matthieu", le film qu'elle vient présenter à Angoulême.



 
Photocydbell prise chez Inga ^^


Dans cette adaptation des "Visages écrasés", un roman de Marin Ledun, Isabelle Adjani campe un médecin du travail confronté à la réalité des pratiques managériales agressives dans un centre d'appels. Le jour où un salarié lui demande de l'aider à se suicider, Carole Matthieu y voit l'opportunité de forcer sa direction à changer de méthode…
Réalisé par Louis-Julien Petit ("Discount"), "Carole Matthieu" est un thriller social qui frappe au plexus. Impériale en médecin tourmentée, à la fois protectrice, bourreau et victime, Isabelle Adjani porte le film sur ses épaules avec une force qui nous rappelle à quel point elle demeure une actrice majeure dans le panorama du cinéma français, capable de se glisser dans la peau d'un personnage complexe. Et d'en sortir indemne.
 
"Sud Ouest". Vous êtes productrice associée du film "Carole Matthieu". Comment ce projet est-il arrivé entre vos mains ?
Isabelle Adjani. J'ai découvert le livre de Marin Ledun grâce à Jean-Paul Lilienfeld [le réalisateur de « La Journée de la jupe », NDLR] qui songeait à l'adapter. Finalement, ça n'a pas pu se faire… Mais, de mon côté, je souhaitais que le sujet existe sur les écrans. J'ai mis une option sur les droits du livre et j'ai parlé, juste comme ça, du projet à mon amie Liza Benguigui qui avait produit « Discount ». Elle m'a tout de suite dit : « Louis-Julien Petit ne veut réaliser que des films sociétaux. Il faut qu'il le lise. » Louis-Julien, qui travaillait sur un autre projet, a tout laissé tomber pour ce sujet. Il s'est complètement investi et, à partir de là, tout est allé très vite.
C'est cette dimension sociale de l'histoire qui vous a aussi convaincue ?
Je suis fière de me retrouver parmi ceux qui témoignent de l'existence d'entreprises ressemblant à des prisons sous haute surveillance, comme dans "1984" d'Orwell. Découvrir ce phénomène de déshumanisation au travail a constitué un véritable choc pour moi. Et je crois que le cinéma a vocation à révéler le côté obscur des choses. La prise de conscience, elle est là… Venir à bout de la logique mortifère du "hard management" et de cette recherche permanente de la rentabilité à tout prix qui finit par pousser certains salariés à accomplir le pire des gestes…
Vous croyez donc toujours en la capacité des films à "lancer des alertes" ?
Oui. Quelques metteurs en scène français s'y attellent. Stéphane Brizé ou Philippe Lioret ont réalisé des longs-métrages marquants, des films dont on peut dire qu'il y a un "avant" et un "après"… Chez les Anglo-saxons, le cinéma de Ken Loach a eu un impact évident sur la société britannique. Comme celui de Jim Sheridan sur la société irlandaise. Globalement, le cinéma est un moteur de transformation du corps social. Il inspire, il questionne…
Il y a sept ans, "La Journée de la jupe" avait dû attendre de connaître le succès à la télévision, sur Arte, pour sortir au cinéma. On a l'impression que "Carole Matthieu" suit la même trajectoire…
Quel bonheur de travailler avec Arte, un diffuseur avec une ligne éditoriale d'une grande rigueur authentique ! Ce film est fait pour le public, alors autant qu'il soit visible immédiatement par le plus grand nombre. J'aime l'idée de ne pas avoir à me soucier du nombre d'entrées que fera le film en salles. C'est même un sacré soulagement ! Le film a coûté peu. Avec mes partenaires de jeu, on l'a tous fait par conviction.
Comment avez-vous appréhendé le rôle de ce médecin du travail ?
J'ai beaucoup parlé avec Louis-Julien Petit et Marin Ledun. Je me suis nourrie de reportages sur le sujet, sur l'impuissance au quotidien des médecins du travail, des professionnels de santé qui n'ont pas le droit de rédiger une ordonnance et peuvent seulement vous envoyer chez le généraliste. Le potentiel d'intervention d'un médecin du travail est limité alors qu'il est celui qui vit au plus près des salariés. Ça n'a pas de sens… Dans le film, mon personnage s'identifie à ses patients parce qu'elle a elle-même subi l'agression d'un désespéré. Comme si le "hard management" était une maladie virale qui n'épargnerait personne…
Le film raconte bien comment, en attribuant des notes aux salariés, les consommateurs deviennent des délateurs. L'immédiateté du jugement, via les réseaux sociaux, c'est quelque chose qui vous effraie ?
Les réseaux sociaux, ce n'est vraiment pas ma génération. Je n'y nage pas comme un poisson dans l'eau, à l'inverse de mon fils Gabriel-Kane qui désapprouve ma réticence. Je respecte son opinion. Mais, personnellement, je vis les réseaux sociaux comme des espaces de déchargements émotionnels. J'avais été sidérée par l'expérience Tay, ce robot conversationnel de Microsoft qui, alimenté par les internautes, a tenu des propos racistes sur Twitter au bout de vingt-quatre heures ! Nous, les artistes, avons besoin d'être aimés et protégés. Je milite donc pour la bienveillance sur les réseaux sociaux [Rires]. Être jugée en permanence ? Je n'ai pas le cuir assez dur. Par définition, via mon métier, je suis une personne surexposée, je n'y peux rien. J'essaie juste que ce soit pudique si possible.
Le tribunal administratif de Nice a validé l'arrêté anti-burkini. Qu'en avez-vous pensé ?
Je suis toujours un peu mal à l'aise quand on veut imposer la liberté à coup d'interdits, surtout aux femmes. Mais j'ai été très touchée par l'argumentaire de ce tribunal qui parle d'effacement de la femme. Le traumatisme terrible que vit actuellement le pays justifie, au-delà du symbole, que le burkini soit analysé comme une menace, même si les femmes qui le portent ne vivent pas toutes bafouées et soumises.
Maintenant que "Carole Matthieu" va vivre sa vie, êtes-vous embarquée sur d'autres projets ?
À ce stade de mon existence d'actrice, je préfère trouver des livres qui me plaisent, penser à leur adaptation, me tourner vers les réalisateurs que j'aime. Et puis advienne que pourra… Un sujet m'intéresse beaucoup actuellement, l'histoire de la relation entre la peintre Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, une relation belle et passionnelle. J'aime quand le cinéma raconte ce genre d'histoires, comme chez Xavier Dolan.
C'est la première fois que vous venez au Festival du film francophone…
Oui. On m'a parlé d'un festival très décontracté, anti-cannois. Et ça me va très bien. Un festival, c'est toujours une épreuve pour quelqu'un, au fond, de très timide comme moi. Je viens donc à Angoulême comme si j'allais à un rendez-vous organisé par un ami. Mais plus le temps passe, plus j'évite les manifestations où l'on est sous pression. Je crois même que je n'irai plus jamais à Cannes, ce fut à chaque fois éprouvant. J'aurais d'ailleurs peut-être dû faire comme Marilyn Monroe : ne jamais y mettre les pieds [Rires].
Il y a quelques années, Dominique Besnehard vous avait proposé la présidence du jury d'Angoulême. Cette fonction qui permet de donner un coup de pouce à des talents en devenir ne vous intéresse pas ?
Vu comme ça, c'est super… Encore que… Quand on donne à certains, on enlève à d'autres. François Truffaut m'avait raconté qu'il avait déconseillé à Jeanne Moreau d'être présidente du jury de Cannes. Quand je le suis devenue, en 1997, j'ai hésité à cause du souvenir de cette mise en garde. Finalement, je me dis que j'aurais dû l'écouter [Rires].

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