Comme elle divise pas mal les avis , je vous scinde les avis positifs et négatifs ...
Avis des échos
Isabelle Adjani remonte sur les planches, dans une pièce de l’américaine Carey Perloff : « Kinship », une variation sur « Phèdre » aux allures de sitcom. Un mauvais choix, que son ardeur et celle de ses partenaires de scène ne parviennent à compenser.
La création de « Kinship », qui devait marquer le retour en force d’Isabelle Adjani au théâtre, était devenue avant même la première de presse mercredi 19 novembre, la chronique d’un naufrage annoncé. Les aléas artistiques (départ de l’actrice Carmen Maura, remplacement du jeune metteur en scène Julien Collet Vlaneck par la costumière Dominique Borg), qui avaient provoqué le report du spectacle de deux semaines, alimentaient déjà les polémiques. Les réactions à chaud des blogueurs ayant pu assister à une représentation depuis le 4 novembre n’on fait qu’empirer la méchante rumeur. Elle était sans doute un brin exagérée : le spectacle auquel on a assisté au Théâtre de Paris nous est apparu « tenu », pas aussi catastrophique qu’on le redoutait au niveau de la mise en scène et du jeu... Toutefois, il n’y a pas eu de miracle, c’est bel et bien un ratage.
La faute en revient au texte d’une grande faiblesse, signée de l’Américaine Carey Perloff. La dramaturge, grande dame du théâtre américain (qui a travaillé notamment avec Bob Wilson et Steve Reich) a écrit « Kinship » (« Affinité » ou « Parenté » en français), juste après avoir mis en scène « Phèdre ». Elle l’a conçue comme une « variation moderne » du chef d’oeuvre de Racine. Las, la pièce évoque davantage un sitcom genre « Amour, Gloire et Beauté » que le classique français.
Passion réciproque
La brillante rédactrice en chef d’un journal américain (Elle) mène une vie épanouie (travail gratifiant, mari et enfants formidables). Mais elle va tomber soudainement amoureuse du beau et jeune rédacteur (Lui) qu’elle vient d’embaucher. Une passion réciproque, qui reste plus ou moins platonique, va consumer les deux êtres. Pour corser l’affaire, le garçon s’avère être le fils de la meilleure amie de la journaliste (L’Amie/La Mère). Afin que les personnages ne découvrent qu’in extremis leur parenté, Carey Perloff imagine que La Mère vient juste de retrouver son fils après des années de séparation et que ce dernier est très secret –sur ses amours et sur son travail...
Le rapport à « Phèdre » apparaît dans une mise en abîme –façon « théâtre dans le théâtre ». Lui et sa Mère, puis Elle, assistent à une représentation de la pièce de Racine, qui va éclairer d’une lumière tragique leur relation triangulaire. Cette référence à la sublime héroïne devrait élever le propos. Elle ne fait que mettre en relief la platitude des dialogues, les clichés sur l’amour, le désir, le peur de vieillir, la réussite, la presse...
Mise en scène épurée
Est ce le résultat des deux semaines de rodage après la générale ? En tout cas les comédiens nous sont apparus plutôt à l’aise et au plus juste de ce que le texte leur permet : Niels Schneider joue sérieusement sa partition de jeune homme romantique en mal d’amour, d’assurance et de projets. L’actrice italienne Vittoria Scognamiglio, qui a remplacé au débotté Carmen Maura, donne avantageusement chair et âme à la Mère (rôle le mieux écrit). Quant à Isabelle Adjani, elle se dépense sans compter pour faire d’Elle une grande héroïne tragique. Mais ses répliques très convenues cassent ses efforts. Et elle ne parvient à nous émouvoir que dans la scène finale. On attend d’Adjani qu’elle soit extraordinaire, elle est tout juste bonne...
Quant à la mise en scène de Dominique Borg, on ne peut pas lui reprocher grand chose : elle vise l’épure – quelques chaises et tables, un lit, un canapé sur le plateau nu et de grandes projections (un brin esthétisantes), des gestes économes, quelques effets oniriques (la photo au début et à la fin, la danseuse japonaise). La sobriété est le seul choix possible pour ce mélo post-moderne, qu’on devrait oublier vite.
Quand on pense qu’Isabelle Adjani avait refusé de jouer « Phèdre » sous la direction de Patrice Chéreau (elle dit le regretter aujourd’hui) et qu’en guise d’ersatz elle propose ce « Kinship », on se dit que les dieux –et déesses– du théâtre sont décidément impénétrables.
KINSHIP de Carey Perloff. Mise en scène de Dominique Borg. Théâtre d eParis (01 48 74 25 37). Durée : 1h30
Philippe Chevilley
Même critique, mais sous forme de vidéo"Kinship", le faux Phèdre d'Adjani par lesechos
Merci à Bruno et J Luc
Critique du Monde
France TV info :
Isabelle Adjani en mode mineur : "Kinship" à défaut de Phèdre
Isabelle Adjani dit avoir été séduite par cette pièce de l’Américaine Carey Perloff, qui n’avait encore jamais été jouée. Du théâtre hors des grands textes, proche des séries télé, avec son découpage en épisodes et son thème très contemporain, celui d'une femme qui se consume pour un homme plus jeune qu'elle.
Kinship (traduisez "affinités") raconte la passion d'une rédactrice en chef d’un journal de province, bien établie et mère de deux enfants, pour un jeune scénariste qui s'essaye au journalisme (Niels Schneider). Le jeune homme va s’avérer être le fils de sa meilleure amie (Vittoria Scognamiglio).
Aimer au risque de tout perdre, la peur vieillir… Des thèmes qui parlent à la grande Adjani et lui ont donné envie de remonter sur scène, huit ans après « La dernière nuit pour Marie Stuart ».
Hélas, si les trois comédiens ne déméritent pas, le texte qu’ils défendent est bien inconsistant. Dans le jeu amoureux puis dans les affres de la passion Adjani est davantage une midinette qu’une femme de pouvoir. Et l’on peine à comprendre le revirement du jeune homme, son brusque désamour. On passera sur l’épisode (tiré par les cheveux) du curée pédophile qui lui permet de gagner ses galons de journaliste.
Isabelle Adjani dans une comédie contemporaine © San Bartholomé
Et du coup on attend avec impatience le dénouement du drame, annoncé par les grands titres de journaux qui se découpent en fond de scène « Culpabilité, crime, amour… ». Mais finalement la montagne accouchera d’une souris, ce qui n’est pas plus mal car on échappe ainsi au pathos redouté.
Et puis il y a le parallèle avec Phèdre, en partie représentée sous les yeux de la mère et du fils, le procédé du théâtre dans le théâtre, ici complètement plaqué et maladroit. D’autant que l’héroïne de Racine qui aurait du être incarnée par Adjani, comme le prévoit le texte, l'est par une danseuse.
Il y a comme une psychanalyse de la part d’Adjani, qui il y a quelques années a refusé à Chéreau de jouer ce rôle (ce fut finalement Dominique Blanc qui l’avait incarné).
C’est ainsi que « Kinship » restera sans doute d'avantage dans les annales pour les péripéties qui ont émaillé sa création : le metteur en scène initial Julien Collet Vlaneck a été remplacé par la costumière Dominique Borg qui signe sa première mise en scène. Carmen Maura, l'actrice fétiche d'Almodovar qui a déclaré forfait a du être remplacée au pied levé par Vittoria Scognamiglio. L’Italienne par son timbre, son brio et sa drôlerie, est celle du trio qui tire le mieux son épingle du jeu.
On gardera en mémoire cette photo d’Adjani se consumant tantôt sous les flammes tantôt sous les flots, cette voix unique, la fragilité et les infinis nuances d’une grande interprète qui fascine toujours autant et qui mérite tellement mieux… Le rôle de Phèdre par exemple.
« Kinship » au Théâtre de Paris
15 rue Blanche, Paris IXe
Tél : 01 48 74 25 37
Du mardi au samedi à 21h, samedi à 16h et dimanche à 15h30
JDD :
Aimer au risque de tout perdre, la peur vieillir… Des thèmes qui parlent à la grande Adjani et lui ont donné envie de remonter sur scène, huit ans après « La dernière nuit pour Marie Stuart ».
Hélas, si les trois comédiens ne déméritent pas, le texte qu’ils défendent est bien inconsistant. Dans le jeu amoureux puis dans les affres de la passion Adjani est davantage une midinette qu’une femme de pouvoir. Et l’on peine à comprendre le revirement du jeune homme, son brusque désamour. On passera sur l’épisode (tiré par les cheveux) du curée pédophile qui lui permet de gagner ses galons de journaliste.
Isabelle Adjani dans une comédie contemporaine © San Bartholomé
Et du coup on attend avec impatience le dénouement du drame, annoncé par les grands titres de journaux qui se découpent en fond de scène « Culpabilité, crime, amour… ». Mais finalement la montagne accouchera d’une souris, ce qui n’est pas plus mal car on échappe ainsi au pathos redouté.
Et puis il y a le parallèle avec Phèdre, en partie représentée sous les yeux de la mère et du fils, le procédé du théâtre dans le théâtre, ici complètement plaqué et maladroit. D’autant que l’héroïne de Racine qui aurait du être incarnée par Adjani, comme le prévoit le texte, l'est par une danseuse.
Il y a comme une psychanalyse de la part d’Adjani, qui il y a quelques années a refusé à Chéreau de jouer ce rôle (ce fut finalement Dominique Blanc qui l’avait incarné).
C’est ainsi que « Kinship » restera sans doute d'avantage dans les annales pour les péripéties qui ont émaillé sa création : le metteur en scène initial Julien Collet Vlaneck a été remplacé par la costumière Dominique Borg qui signe sa première mise en scène. Carmen Maura, l'actrice fétiche d'Almodovar qui a déclaré forfait a du être remplacée au pied levé par Vittoria Scognamiglio. L’Italienne par son timbre, son brio et sa drôlerie, est celle du trio qui tire le mieux son épingle du jeu.
On gardera en mémoire cette photo d’Adjani se consumant tantôt sous les flammes tantôt sous les flots, cette voix unique, la fragilité et les infinis nuances d’une grande interprète qui fascine toujours autant et qui mérite tellement mieux… Le rôle de Phèdre par exemple.
« Kinship » au Théâtre de Paris
15 rue Blanche, Paris IXe
Tél : 01 48 74 25 37
Du mardi au samedi à 21h, samedi à 16h et dimanche à 15h30
JDD :
Isabelle Adjani aime la scène, c’est incontestable, mais pourquoi avoir choisi ce texte de Carey Perloff (qui devra à la comédienne d’être connue du public français) pour faire une rentrée théâtrale, à chaque fois plus fracassante? La question se pose au vu de la pièce (1) qui intègre en filigrane, ô cruelle ironie, des vers de Phèdre (que l’actrice aurait dû jouer sous la direction de Patrice Chéreau). Aveuglement? Masochisme? C’est peu dire que, sous l’ombre portée de Racine, l’histoire d’adultère au cœur de Kinship entre une rédactrice en chef (aux allures d’Anne Sinclair) et un jeune homme, par ailleurs fils de son amie, manque cruellement d’âme et de chair.
Personnages inconsistants, faiblesse du texte, histoire fastidieuse, la vraisemblance et la passion désertent le plateau. Son auteur aligne les clichés dans un style inégalable : "Te connaître, c’est comme rouler sur une route dans le désert." Des images de ciels, des clairs de lune, un néant total chiqué et démodé tiennent lieu de mise en scène (de Dominique Borg, en remplacement du metteur en scène initialement prévu). Et l’interprétation ne sauve rien. Pour tromper l’ennui, libre à chacun de compter les différents modèles de sacs à main (tous de la même célèbre marque) portés par la rédactrice en chef. A la fin, toute à sa passion, elle ne porte plus de sac… Un symbole? Ni le texte ni le jeu des interprètes, hormis celui, naturel, de Vittoria Scognamiglio (qui a remplacé Carmen Maura), à la personnalité affirmée, ne sauve le naufrage. Et c’est tristesse de voir la belle actrice Adjani, évanescente, prisonnière de son image, ne rien exprimer et ne jamais s’engager. Rares sont les actrices qui suscitent autant l’attente. Adjani le sait, et la scène est son domaine. Reste à espérer un prochain vrai retour.
(1) texte paru à L’avant-scène théâtre.
Kinship
Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, Paris 9e. Tél. 01 48 74 25 37. www.theatredeparis.com
Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, Paris 9e. Tél. 01 48 74 25 37. www.theatredeparis.com
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