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21 octobre 2006

Le magazine Le temps compare les 2 isabelle sur scène...
















Adjani-Huppert, la mort leur va si bien
THEATRE. Elles se détestent, dit la rumeur. Mais elles sont époustouflantes l'une et l'autre sur scène. Portrait croisé de deux reines rivales qui mettent à genoux Paris.


 Alexandre Demidoff, ParisSamedi 21 octobre 2006 Deux reines à Paris. Et des milliers de soupirants à leurs genoux. Isabelle Adjani et Isabelle Huppert tutoient chacune les ombres, souveraines, la mort aux trousses. La première incarne Marie Stuart la catholique condamnée à la hache du bourreau sur ordre de sa rivale Elisabeth Ire. La seconde est Madame de Merteuil dans Quartett, épilogue aux Liaisons dangereuses signé Heiner Müller. Les deux spectacles ne se valent pas. Sous la plume de l'Allemand Wolgang Hildesheimer, les deux dernières heures de Marie Stuart sont, au Théâtre Marigny, d'une saisissante indigence dramatique - les personnages secondaires sont bâclés. Mais Isabelle Adjani est si poignante en suppliciée guettée par la folie qu'on oublie les faiblesses du reste. A l'Odéon, avant la Comédie de Genève en juin, Quartett est une toile de maître. Le pinceau est tenu par Bob Wilson. Chaque scène est un tableau onirique où deux monstres cérébraux - la Merteuil et Valmont - usent des artifices du théâtre avant de mourir. Les deux Isabelle rivalisent à distance. C'est leur fatalité d'être ainsi associées, elles qui ne s'aiment pas. Elles ont en commun l'âge - Adjani a 51 ans, Huppert 53. Une peau de donzelle qui est leur privilège. Une aura de star depuis trente ans. Elles se sont même croisées dans Les Sœurs Brontë (1979) d'André Téchiné. Leurs agents respectifsveillaient à ce qu'elles aient exactement le même nombre de répliques. Ça, c'est pour la surface. Leurs choix au théâtre révèlent leur fossé. Isabelle Adjani, qui admire Marie-Antoinette comme Lady Diana, serait plutôt une classique à tendance dépressive. En 2000, elle agonisait dans La Dame aux Camélias. Isabelle Huppert, elle, est une moderne qui se projette vers l'inconnu, parce qu'elle se sent capable d'en revenir. Elle a ainsi prêté corps et voix à 4.48 Psychose de l'Anglaise Sarah Kane - jeune auteur qui a transposé l'actualité dans des pièces chocs avant de se suicider à 28 ans en 1999. Et sur scène, dans les actes? Disons qu'Isabelle Huppert, c'est le corps fait œuvre - elle aurait inspiré à Mallarmé un sonnet de dentelles. Et Adjani, la vie magnifiée en drame. A l'Odéon, la première entre ainsi en scène: fuselée dans une robe violacée, elle marche à pas comptés, fantôme de la Merteuil, un bras nu tendu vers on ne sait quoi, l'absence qui est déjà son présent sans doute. Chacun de ses gestes est codé, manière très wilsonienne de rêver le théâtre, de l'arracher à son socle psychologique. L'actrice est au service de Bob Wilson. Elle est sa créature qui feule, susurre à volonté. Elle se plie. Et elle exerce ainsi sur un mode paradoxal son pouvoir d'interprète, maîtresse d'une palette hors du commun. Elle serait donc souveraine, mais dans l'effacement de soi - ses affects. Sans égale parce que sans ego dans la balance de l'art. Isabelle Adjani, elle, jette sa vie dans la bataille. Le rideau de fer se lève. Un courant d'air froid nous glace. Au fond, une vieille en chemise d'aliénée se heurte à un mur rouge. C'est Adjani, arrondie, cheveu sale, méconnaissable. Elle est Marie Stuart dans la débâcle de sa dernière nuit. Et elle est dans la vérité du rôle - telle qu'elle l'a pensé - des braises dans une voix qui ne larmoie jamais. Si Huppert s'absente en tant que sujet, Adjani se raconte dans l'ombre de son personnage, sans que ça ne sonne jamais faux. «Ne me regardez pas. Mon corps, mon visage. Je ne me reconnais plus.» Au-delà des esthétiques, les Isabelle partagent ceci: elles se confrontent à une fiction de mort, dans la grande tradition des tragédiennes. La star, c'est peut-être ça: un art de mettre en jeu sa disparition. De la fantasmer devant l'assemblée de ses admirateurs. D'éprouver le manque qu'elles laisseront. Dans Quartett, Isabelle Huppert joue ses adieux ainsi: couchée devant un aquarium où divague un poisson, elle lâche, spectrale: «Mort d'une putain. A présent, nous sommes seuls, cancer mon amour.» Puis elle se lève, file vers le lointain, suspend la fin, un escarpin à la main, répétant à l'infini son oraison. La mort devient tableau. Et le public applaudit la prouesse. Isabelle Adjani, elle, meurt au premier plan, dans une robe où coulent des rivières de diamants. Elle pose sa tête sur le billot, adresse un salut aux anges. Volupté de reine. Le rideau s'abat sur cette image sainte. Et quand il se relève, 800 spectateurs ovationnent debout la revenante. Elle murmure «merci». Et elle n'arrête plus de dire «merci». Et on est bouleversé par cette ingénue. Mourir en scène, nous souffle Adjani, ce serait donc ça: se dépouiller de ses attributs d'idole, s'alléger et revenir à la lumière aux saluts, dans la joie pure d'être aimée, un instant, pour soi. Au-delà des fantasmes. Au-delà de l'art. Au-delà de tout. La Dernière Nuit pour Marie Stuart, Théâtre Marigny, jusqu'au 19 nov. (loc. 0033/153 96 70 00); Quartett, Théâtre de l'Odéon, jusqu'au 2 déc. (rés. 0033/1 53 45 17 17) http://www.festival-automne...)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très bel article. Et ces rumeurs sur cette animosité réciproque je trouve ça un peu pathétique. Forcément elles mènent le même style de carrière, partagent le même goût du mystère, elles ont commencé en même temps, elles sont toute les deux vénérées, elles se font aussi rares l'une que l'autre donc forcément y'a de quoi inventer des histoires lol

Anonyme a dit…

Je pense que pour que trois grands journaux y consacrent de grands atricles, c'est que ce n'est pas une rumeur! :) Et puis, si tu relis l'article du Vogue, elle parle de ses amis qui l'ont soutenue... Huppert est allé au mariage de Parillaud et de JMJ. Attends, t'imagines un peu dans quel état elle était pour alerter Paris Match et se griller comme ça!! Elle devait être au bord du suicide! Et l'autre qui va au mariage. Dans ces cas-là, tu sais vraiment qui sont tes ennemis! (Noiret y était aussi).

fredjani a dit…

Grrrrrr
Tazyzas ! J'ai hésité à mettre cet article , la semaine dernière la guerre des isabelles m'a valu les foudres d'un lecteur...
Je ne crois pas que l'on puisse réduire cette problématique en terme d'amis/ennemis...
ex : noiret deteste t-il isabelle pour aller a un mariage ...c'est un peu trop simple, non?
Moi , si mon meilleur ami trompe sa copine et se marie avec une autre, et m'invite à son mariage, je décline l'invitation???
Pas sûr... sauf si ma meilleure amie c'est la fille trompée...
Si huppert et parillaud se connaissent et s'apprécient , ben je peux comprendre...
Ca veut pas dire que j'apprécie ce que l'"autre" a fait ....

Anonyme a dit…

qu'elles s'aiment ou qu'elles ne s'aiment pas ... ce n'est pas très important. Ce qui compte, c'est leur travail... et nous avons à faire à 2 grandes comédiennes, dans des registres différents.

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