Critique de la pièce (dans le monde)
trouvé par tazyzas
Isabelle Adjani, reine en abyme et en miroirLE MONDE 16.09.06 15h54 • Mis à jour le 16.09.06 15h55 Qu'est-ce qu'une star ? C'est la question qui vient immédiatement à l'esprit à l'issue de la représentation de La Dernière Nuit pour Marie Stuart, qui voit le retour d'Isabelle Adjani sur scène, après son triomphe dans La Dame aux camélias à l'automne 2000. Qu'est-ce qu'une star, capable de soulever toute une salle en une longue ovation debout, avec une ferveur digne de celle qui salue d'habitude les rockers ou les chanteuses, au terme d'un spectacle qui, sans déchoir, ne restera pourtant pas dans les annales de la création théâtrale.Mais le public, ici, ne vient pas voir uniquement une pièce de théâtre. Il vient voir Adjani qui, avec cette Marie Stuart, s'est fait tailler un écrin à sa mesure. Comme La Dame aux camélias, qui marqua son grand retour sur scène après dix-sept ans d'absence, la pièce semble avoir été écrite - ou du moins adaptée, par le metteur en scène - pour elle. Dans le sobre décor aux panneaux rouge sang, frappé de taches sombres, la reine d'Ecosse, Marie Stuart, vit sa dernière nuit : c'est l'antre du bourreau, avant l'exécution capitale.La reine Adjani, en vaste chemise blanche, affronte d'abord ce bourreau (excellent Patrick Rocca) en une longue scène qui est sans doute la meilleure de cette pièce adaptée et mise en scène par Didier Long. Car à l'écoute de ce texte pompeux et ennuyeux - dans l'adaptation qui en est donnée ici, du moins -, traversé de fortes phrases du style "le mythe est toujours plus fort que la réalité", on comprend que l'auteur, l'Allemand Wolfgang Hildesheimer (1916-1991), soit à peu près inconnu en France. Pour se vouloir proche de l'esprit élisabéthain, Hildesheimer n'est certes ni Shakespeare ni même Thomas Middleton ou Ben Jonson, dont il n'égale ni le sens du tragique ni celui de la violence ou de la dérision. Aucune vraie réflexion ici sur le pouvoir et sa fragilité, sur l'approche de la mort et les vanités humaines.Mais on voit bien ce qui a pu séduire Isabelle Adjani dans cette pièce qui est d'abord un rôle-titre, où les autres personnages ne sont que des faire-valoir, d'ailleurs joués par de bons comédiens (Jacques Zabor, Jean-Yves Chatelais, Bernard Waver...). Car cette reine maudite, sur le point d'être décapitée - le billot est sur le devant de la scène -, qu'Adjani joue avec talent mais sans distance, en faisant une sorte de douce et pure colombe, voit s'agiter autour d'elle une cynique et rapace comédie humaine : domestiques et courtisans, acharnés à profiter d'elle avant sa mort.C'est là que le dialogue de la pièce, par instants, semble sorti d'une interview d'Adjani dans un magazine, prenant l'allure d'un plaidoyer pro domo de la pure et innocente Isabelle : la reine Marie parlant notamment des "calomnies" et des "rumeurs" dont elle a fait l'objet, ou encore de sa réputation de "mystérieuse" et de "capricieuse"... Cette reine que l'on va peu à peu parer, coiffer, maquiller, costumer pour sa mort comme pour une représentation théâtrale : c'est ainsi qu'Isabelle Adjani se met en scène dans le spectacle d'une mort annoncée. Cette mort que l'on ne cesse de lui prédire, qu'il s'agisse des rumeurs sur son prétendu sida ou de la fin, régulièrement programmée, de sa carrière de comédienne... Troublante mise en abyme à laquelle se livre ici l'actrice dans un confondant mélange de narcissisme et de naïveté. Etonnante catharsis.Et c'est ce qui fascine et interroge, ce cocktail unique de narcissisme, de fragilité, de maîtrise (cette obsession à vouloir offrir, à plus de 50 ans, le visage lisse d'une fille de 18 ans), d'abandon, de secret (elle a longtemps protégé sa vie privée) ou d'exposition médiatique (son histoire avec Jean-Michel Jarre). Cette façon d'être à la fois inaccessible et offerte à la dévoration amoureuse de ses admirateurs, enfin.A la fin de Marie Stuart, Adjani, dans sa longue robe de reine blanche, se voit renvoyer son image de toutes parts, par un jeu de miroirs qui démultiplie le regard des spectateurs. Et c'est beau et tragique - beau parce que tragique - que cette façon qu'ont tous les comédiens, mais qui chez Adjani semble assez abyssale, de ne pouvoir se construire que dans le regard et dans l'amour des autres. C'est peut-être cela, une star.
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il y a aussi cet article du figaro : http://www.lefigaro.fr/culture/20060915.FIG000000220_adjani_le_triomphe_de_la_sensibilite.html
nolito
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