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22 novembre 2014

Kinship vue par la presse : pour

Ici tous les avis favorables à la pièce ... par la presse





Avis de Femme Actuelle :

Elle cherche un synonyme de "fade", qu’elle peine à trouver. Pas étonnant, elle en est tout le contraire. Elle, c'est Isabelle Adjani qui joue justement le rôle de "Elle" dans la pièce "Kinship" de l'Américaine Carey Perloff au Théâtre de Paris.
On cherche le mot qui lui irait le mieux. Elle est juste. D'une justesse rare, dont seules sont capables les plus grandes. Les Huppert, les Deneuve. Une justesse qu'on avait fini par oublier. Huit ans déjà depuis son triomphe au Théâtre Marigny dans "La dernière nuit pour Marie Stuart"!
Elle sonne juste en femme de pouvoir, rédactrice en chef d'un journal. En femme mariée, amoureuse d'un jeune homme. Juste, aussi, en femme passionnée, en midinette émerveillée, puis obsédée, enragée et enfin éplorée. Juste, enfin, en femme qui a peur de vieillir. Comme elle-même, dans la vraie vie peut-être?
Elégamment vêtue d’un tailleur pantalon fluide, qui ne lui colle jamais à la peau, Isabelle Adjani interprète cette fois une femme moderne. Qui a tout pour être heureuse : un mari, deux fils et un travail de journaliste qui la passionne. Pourtant, elle se laisse tenter par l'amour. Un amour impossible. Transgressif même. Car bien qu’elle l’ignore, ce jeune auteur de scénarios, de retour après une longue absence, qu’elle embauche au sein de sa rédaction, et dont elle s’éprend, s’avère être le fils de sa meilleure amie. -D'où le titre "Kinship", qui signifie à la fois "parenté" et "affinité" et qu’on pourrait traduire par "Liens particuliers"
A ce rôle contemporain s’ajoute une héroïne antique : Phèdre. Les personnages de "Kinship" assistent en effet à une représentation de la pièce de Racine, dont Isabelle Adjani déclame quelques vers pour exprimer le désarroi de "Elle". Une mise en abyme qui n’est pas pour déplaire à la comédienne (également directrice artistique). Car ce rôle de Phèdre, c’est justement celui qui manque à la carrière d'Isabelle Adjani. -Avoir refusé à Patrice Chéreau de le jouer, alors qu’il le lui avait proposé après l’avoir dirigée dans "La reine Margot" reste son grand regret.
La réussite de la pièce repose autant sur les épaules d’Isabelle Adjani que sur celles de ses deux partenaires. Niels Schneider, "Lui", parfait en jeune homme charmant et dangereux charmeur. Et l’épatante Vittoria Sognamiglio, d’une irrésistible drôlerie, qui a repris au pied levé le rôle de "La Mère" intrusive et de "L’Amie" confidente, suite au forfait de Carmen Mora.
Ces trois-là forment un triangle amoureux, qui va mal tourner. On s'en doute vite. C'est écrit noir sur blanc, ou plutôt blanc sur noir, sur l’écran vidéo tendu en fond de scène : "Culpabilité, crime, amour, mal, poison d'amour".
Voilà presque le seul décor de cette mise en scène épurée, signée par la costumière Dominique Borg qui a remplacé Julien Collet Vlaneck (dont l’abandon explique aussi le report de la pièce, trois semaines après la date initialement prévue). Sur la vaste scène du Théâtre de Paris, presque rien. Deux chaises et deux ordinateurs suffisent à évoquer le bureau d'un journal, un tapis vert, une pelouse, un lit, une chambre.
Allez voir cette Phèdre des temps modernes. Elle va vous plaire, vous faire frémir, et rire aussi.
Amélie Cordonnier

Merci à Bruno pour le lien .



Critique   et interview d'Isabelle par le site suisse Le temps



Rencontre samedi 22 novembre 2014
Isabelle Adjani: «Le théâtre me met dans un état mystique»
Par Anne Diatkine Paris
Isabelle Adjani en rédactrice en chef dans «Kinship», actuellement au Théâtre de Paris.
L’actrice revient à la scène après sept ans d’absence. Elle raconte sa passion du jeu, son angoisse d’être cataloguée, ses admirations pour Luc Bondy, Noémie Lvovsky, Valeria Bruni Tedeschi, son intérêt pour l’au-delà
Que fait-elle, la nuit, après le spectacle? Elle reste au théâtre. Elle écoute les gens, les reçoit, cela prend du temps, parfois autant que la représentation elle-même de Kinship , qu’elle joue à Paris. Elle serait prête à se laisser enfermer au théâtre, comme les enfants qui rêvent de rester dans un grand magasin pendant la période de Noël quand les portes sont closes. Dernière partie, première arrivée. Que fait-elle donc ensuite, chez elle, puisqu’il le faut bien, il y a toujours un moment où l’on se retrouve chez soi? «Impossible de dormir. Je suis pleine d’adrénaline. Prête à jouer une troisième fois, quand il y a déjà eu une représentation en matinée et une en soirée. J’ai d’ailleurs proposé au directeur du théâtre que l’on joue trois fois d’affilée. Il m’a regardée sidéré. Et répondu qu’il y songerait.»
En attendant cette représentation ultime pour insomniaques, elle téléphone à son fils Gabriel-Kane, qui vit aux Etats-Unis, et à d’autres amis, qui, comme elle, veillent sur la ville endormie. Lit un peu. Principalement «des ouvrages sur l’au-delà». Pense que c’est pendant cette «incarnation sur terre» qu’il faut préparer l’après. «Le théâtre me met dans un état mystique. On ne peut pas être sur scène si on n’est pas pris dans un élan qui vous emporte en dehors, très loin, dans tous les spectateurs, et au-dedans de soi. Sinon, autant s’excuser d’avance. Et dire aux gens: «Nous allons vous présenter quelque chose d’absurde qui n’a aucune raison d’être et dont on se fiche et vous et nous.» Elle rit.
Le charme d’Isabelle Adjani opère toujours. Il est fait de basculements, de jeu sur les sons, de plaisanteries, de l’art de passer du coq à l’âne, d’une capacité à laisser ses idées voguer. On ne sait pas où un mot peut la mener, et son sens de l’imprévu rend sa conversation très agréable. A-t-elle changé physiquement depuis ses débuts? Plutôt moins que nous! Peau très blanche et parfaite, cheveux longs, frange, grandes lunettes de soleil pour cacher les traces de l’insomnie.
C’est donc, encore une fois, le retour d’Isabelle Adjani sur scène après sept ans d’absence. Un retour avec une pièce sans emphase, Kinship de Carey Perloff. Il n’y a qu’elle pour dénicher ce «script», dont elle ré-accommode certaines phrases après chaque représentation, ravie de travailler un matériel qui n’est «pas gravé dans le marbre» et pour une fois «très quotidien». Plus qu’une rentrée en fanfare avec un personnage grandiose, il s’agit d’un coup de foudre au bureau et une relation d’emprise qui se renverse, entre chef et subalterne. Cela pourrait arriver à tout un chacun. Comme si, en jouant cette pièce, Isabelle Adjani regardait autant les spectateurs qu’ils ne la regardent. Elle est rédactrice en chef et vit dans l’opulence. Il est stagiaire, doté d’une mère envahissante et d’un matelas sans sommier. Inégalité de pouvoir, asymétrie de l’âge aussi: les critiques qui font le compte-rendu de la pièce usent du mot «cougar». Isabelle Adjani ne rit plus: «C’est une abomination. Je ne sais pas comment a été lancé ce terme, que je considère pornographique et qui est une déconsidération absolue du féminin. On passe de la petite chatte à la panthère, puis à la cougar. On est d’abord là pour être caressante, puis pour être un symbole sexy, et ensuite, on devient la cougar, c’est-à-dire la prédatrice qui a passé le cap. C’est une horreur!» Son personnage dit des répliques, comme «je ne suis pas dans la merde». On lui fait remarquer que la trivialité du texte l’expose davantage que les grandes pièces du répertoire. Que sans la protection de la langue, elle est sans rambarde. Isabelle Adjani acquiesce. Somme toute, elle n’aurait pris aucun risque à accepter les propositions des plus grands metteurs en scène et cinéastes qui ont demandé de travailler avec elle. Ne serait-ce qu’au théâtre, la liste de ses refus est impressionnante: Phèdre et Le Temps et la Chambre, qu’a mis en scène Patrice Chéreau, par exemple. Pourquoi tant de refus? «Quand je décide de retravailler, je le fais de manière pulsionnelle. Je me lance, je me balance, je m’en balance! Rien n’est stratégique chez moi.» Autre motif: l’attente excessive qu’elle suscite l’a engagée plus d’une fois à reculer. Elle se souvient, entre autres, de sa peur d’être «sacrifiée» lorsqu’elle jouait La Dame aux camélias, montée par Alfredo Arias. C’est presque moins violent pour elle, de monter sur scène, sans metteur en scène reconnu. Elle le reconnaît: «Il faudrait peut-être que je change de mode opératoire.» L’année prochaine, d’ailleurs, c’est promis, elle travaillera avec Luc Bondy, «un cascadeur de l’âme». Dont elle a vu la plupart des spectacles et particulièrement aimé les deux derniers, Tartuffe et Les Fausses Confidences. «Une journaliste a tenté de me faire dire du mal d’Isabelle Huppert.» Raté! «Elle m’a littéralement époustouflée dans cette pièce et je le lui ai écrit. Pourquoi ne pas le reconnaître quand on admire le travail de quelqu’un? Ce n’est pas déchoir…» Lorsqu’elles étaient de toutes jeunes apprenties comédiennes, inconscientes de ce qu’elles allaient devenir, elles ont partagé un appartement en colocation avec Christine Pascal. Isabelle Adjani a un mouvement de recul: «Ça a été si bref…» Le théâtre fait cependant resurgir des temps anciens. Les voix off de Kinship lui évoquent Truffaut. «On ne sait jamais quand les fantômes reviennent. Adèle H., en ce moment, est bizarrement proche.» Son choix particulier de la pièce de Carey Perloff tient, bien sûr, à son thème: «Comment une femme fiche sa vie et son travail en l’air pour un moment d’exaltation où elle a envie de se sentir en vie.» On devine que cette problématique concerne de près Isabelle Adjani.
Etre actrice star est à la fois ce qui la saccage et la magnifie. «Je suis continuellement persuadée que j’aurais été plus heureuse sans l’incandescence de ce métier, mais je ne peux pas être autre chose que comédienne. J’adore quand un homme me dit qu’il n’a jamais vu un film avec moi, comme pour souligner que son élan est dirigé vers moi seule, et non pour ce que je représente. Mais je dois être la seule actrice au monde qui suscite ce genre d’aveu et qui le prend comme l’hyperbole du compliment! Peut-être parce que toute mon existence a été envahie par mon métier, j’ai constamment besoin de disparaître derrière moi-même.»
Que craint-elle en jouant? «Etre maintenue dans la dépendance du regard de l’autre. Une actrice n’existe que par lui. Etre moins désirée, c’est mourir.» Puis, sur le mode du constat: «J’ai passé une énorme partie de ma vie à résister à la souffrance et à ne pas pouvoir être moi-même. J’ai beaucoup été dans la survie, et lorsqu’on survit, on ne vit pas.» Isabelle Adjani a entamé «un processus de transformation cellulaire» censé effacer les douleurs transgénérationnelles «incorporées dans la mémoire du corps». On se promet de se revoir pour expliciter.
Cette renaissance s’accompagne de celle du désir de jouer. Elle évoque avec générosité le travail des autres: Un Château en Italie de Valeria Bruni Tedeschi, qui reprend un personnage d’actrice qui se met en jachère. Dit qu’elle adorerait travailler avec elle, que c’est «quand elle veut» avec elle et Noémie Lvovsky, ou qu’elle aimerait rencontrer la caméra de Philippe Garrel. De château, elle n’en a point. Se voit plutôt «sur un chameau, habillée en Bédouine!». Elle ajoute dans un rire: «Mais j’accepte tout à fait de jouer à la châtelaine.» On se quitte. Isabelle Adjani, la nomade, doit rejoindre son domicile, le théâtre.
Kinship, Théâtre de Paris,
rue Blanche 15. www.theatredeparis.com
 
Merci à Taz


Critique du Télégramme :

Sa dernière apparition cinématographique remontait à « La journée de la jupe ». Huit ans après « La dernière nuit pour Marie Stuart », Isabelle Adjani fait un retour très attendu au théâtre. Il a cependant fallu repousser la pièce de trois semaines pour des raisons mystérieuses sans doute liées au caractère, réputé difficile, de ce « monstre sacré ». La comédienne espagnole Carmen Maura a d'ailleurs déclaré forfait peu avant la première, tout comme le metteur en scène, pourtant proche d'Adjani, sur laquelle il avait déjà réalisé un documentaire. Il n'empêche, « Kinship », qui veut dire « Affinités » en anglais, s'est lancé sous la houlette de Dominique Borg à la mise en scène et aux costumes. Laquelle avait déjà collaboré avec l'actrice sur « Camille Claudel ». La pétulante Vittoria Scognamiglio a, pour sa part, remplacé Carmen Maura dans le rôle de l'amie d'une rédactrice en chef d'un journal local, apparemment situé Outre-Atlantique. La journaliste séduit, sans le savoir, son fils (Niels Schneider), revenu au pays. La dramaturge américaine Carey Perloff, directrice artistique de l'American Conservatory Theater de San Francisco, a voulu s'inspirer d'une tragédie antique. En l'occurrence, elle a choisi « Phèdre », afin d'illustrer la passion dévorante d'une mère de deux enfants envers son cadet de 30 ans. Ces femmes mûres refusant de vieillir Le pouvoir contre la jeunesse en quelque sorte, un thème classique que les actrices d'Hollywood, de Demi Moore à Robin Wright, remettent constamment au goût du jour. Très à cheval sur le contrôle de son image et du même coup des décors changeants d'une pièce dont elle orchestre le déroulé, Isabelle Adjani ne pouvait mieux décrire les tourments de ces femmes mûres refusant de vieillir. Et cherchant à travers de jeunes amants le secret de l'éternelle jeunesse. L'actrice n'a, certes, plus la plastique de « L'été meurtrier » et cache, à la soixantaine venue, ses formes sous d'amples costumes, dont l'éclairage a été soigneusement étudié. Des accents de vérité Toutefois, si la pièce démarre de façon un peu poussive, le caractère pathétique de cette lutte contre la fuite des ans lui donne rapidement des accents de vérité. Lesquels révèlent la cruauté de la vie, en particulier celle des juniors, désireux de s'affirmer, face à des seniors marqués par les épreuves et plus aptes à aimer. Adjani finit néanmoins par trouver le ton juste dans la mise à nu de ses sentiments face à ce petit sauvage au cynisme tranquille encore tenu en laisse par une génitrice accaparante. Après s'être retrouvée dans la situation d'une mère que l'on abandonne, et sans oublier d'infliger à ce gandin qui ne respecte rien, une leçon de journalisme, l'interprète principale de la pièce paie le prix de sa transgression en perdant son poste. La fin pour elle d'une obsession et l'acceptation de son vide qui laissent entrevoir, au final, une forme d'apaisement.
Hubert Coudurier

© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/loisirs/kinship-ou-la-transgression-amoureuse-23-11-2014-10435165.php

Le JDD

Adjani : "L'amour, un miracle quand même"


INTERVIEW - Brève rencontre avec Isabelle Adjani, juste après la représentation de Kinship actuellement sur scène.

Kinship **, mise en scène Dominique Borg. Théâtre de Paris (75009). 01.48.74.25.37.
Devant la loge d'Isabelle Adjani, les visiteurs font le pied de grue et se succèdent. Les bouquets de fleurs embaument le couloir. Quelques minutes avant, l'actrice éclatait en sanglots sur scène, emportée par ses émotions juste avant le salut final. Les lumières viennent de s'éteindre sur Kinship, la pièce qui la ramène sur scène huit ans après La Dernière nuit pour Marie Stuart.
Kinship? Un choix qui fait débat. Cette libre adaptation du Phèdre de Racine par Carey Perloff, une auteure américaine, raconte la rencontre d'une rédactrice en chef d'un journal de province et d'un jeune reporter, qui se trouve être le fils de sa meilleure amie.
«La pièce est différente chaque soir.»
Aimer au risque de tout perdre, sa famille, son amie, son mari, son travail, parce qu'un jeune homme fait battre votre cœur? La mise en abyme pour la grande amoureuse qu'a toujours été Isabelle Adjani donne une résonance particulière à la pièce. L'actrice forme avec ses deux partenaires un trio de scène réussi, chacun défendant sa partition avec talent. Vittoria Scognamiglio, la mère possessive, apporte à la tragédie son côté pétillant et une drôlerie qui provoque les éclats de rire de la salle, Niels Schneider est, lui, le jeune premier plus séducteur que séduit face à une Isabelle Adjani qui concentre mille émotions, magnifique, à fleur de peau, une grande interprète qu'on a la chance de voir à l'œuvre.
Dommage que la mise en scène ultra-contemporaine de Dominique Borg, avec ses vidéos qui habillent le fond du plateau, figurant la nuit ou le jour, le soleil ou la pluie, mette les sentiments à distance dans sa radicalité quasi conceptuelle. Mais elle est aussi traversée d'images très poétiques. Avec Isabelle Adjani, à la fin de la représentation.
«Les premiers jours, j'avais un trac fou, presque paralysant.»
Huit ans loin des planches et quinze jours depuis le début de la pièce, comment vous sentez-vous?
Habitée. Grâce au public et à ce que la salle me renvoie. Sans cet échange invisible, ce serait juste impossible. On joue à travers ce qu'on ressent. La pièce est différente chaque soir. C'est vraiment une rencontre vibratoire. Kinship est une tragicomédie qui raconte avant tout l'histoire d'une femme qui ne veut renoncer à aucune forme de bonheur et qui pense réaliser tous ses désirs sans dégâts collatéraux… J'ai fait cette pièce pour parler aux femmes. Elle dit que l'exaltation est une forme de vie absolument nécessaire, lorsque l'équilibre vient un peu tout anesthésier. L'élan de l'amour devient un miracle qui vous casse en mille morceaux. Mais un miracle quand même.
Après une telle pause, avez-vous eu à nouveau le trac?
Au début, oui. C'était terrible. Les premiers jours, j'avais un trac fou, presque paralysant. Il y avait une échéance. On devait tenir une date en montant ce spectacle. Il y a eu des rebondissements.
Le metteur en scène est parti…
Et on a fait le choix d'une nouvelle mise en scène extrêmement minimaliste. Il a fallu se jeter à l'eau. Je pense qu'une pièce n'existe pas tant qu'elle n'est pas jouée. Désormais, on est rodés, prêts, présents, le trac est parti. Il ne reste plus que l'envie de monter sur scène chaque jour.




Télérama
L'actrice fait son grand retour au théâtre dans le rôle d'une journaliste éprise d'un jeune éphèbe. Pour le meilleur et pour le pire.
Après huit ans d'absence, on retrouve Isabelle Adjani sur scène. D'entendre sa voix étonnamment enfantine égrener encore et toujours les affres de la passion. De la voir encore et toujours électriser l'espace, dans le chagrin et le deuil d'impossibles amours. Mais pourquoi a-t-elle choisi Kinship — « affinité » en français —, ou le drame elliptique et mal fichu d'une rédactrice en chef brillante et autoritaire, mère de famille accomplie et épouse épanouie, hélas follement éprise, soudain, d'un jeune pigiste qui lui fait la cour (Niels Schneider) et se révélera le fils longtemps caché de sa meilleure amie ? Est-ce parce que la dramaturge et metteuse en scène américaine Carey Perloff, s'imaginant construire ici un drame de la transgression sexuelle, professionnelle, familiale, y a maladroitement entremêlé des scènes de la Phèdre de Racine, spectacle auquel va plusieurs fois assister son besogneux trio ?
On sait qu'Isabelle Adjani regrette d'avoir refusé à Patrice Chéreau d'interpréter la tragique amoureuse d'Hippolyte. Elle en a la violence, elle en a la musique, elle en a la douleur. Mais ici encore, étrangement, elle n'ose se confronter à ce qui devrait être une des plus belles partitions d'actrice. Tandis que se joue devant le séduisant pigiste et sa mère une scène clé de Phèdre, c'est une autre comédienne, en effet, qui incarne en silence la fille de Minos et de Pasiphaé dans un costume fantasmatique qui tient du théâtre nô et de Gustav Klimt à la fois. Isabelle Adjani ne profère qu'en voix off les alexandrins sublimes. Figurer elle-même ces fugitifs moments de « théâtre dans le théâtre » aurait pourtant corsé une pièce fade, accentué le jeu de miroirs et la mise en abyme vainement désirés par l'auteur. Car le parallèle entre la rédactrice en chef et Phèdre n'est pas tout à fait à la taille de Carey Perloff. Elle n'a ni le souffle tragique, ni la poésie pouvant faire contrepoids à Racine. Son trio, où devraient se concentrer frustrations et solitudes, reste faible. Et on saisit mal pourquoi la mère-monstre du pigiste, une sorte de vampire-amante, est jouée par une actrice italienne qu'on comprend mal, Vittoria Scognamiglio.
Qu'on se rassure pourtant. La bouleversante fragilité d'Adjani est au rendez-vous, son regard bleu défie toujours les détresses et son sourire éclatant exorcise les malheurs. Dans l'élégante et sobre mise en scène de Dominique Borg, elle reste envers et contre tout une reine qui a des malheurs, comme dans ses rôles passés, Marguerite de Valois ou Marie Stuart. Ces deux fantômes-là avalent et magnifient, malgré elle, la rédactrice en chef d'Amérique.

1 commentaire:

liago a dit…

Merci. Très intéressant. Notamment le passage sur Huppert...

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