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23 novembre 2014

Interview pour Nice Matin , "Heureuse au théâtre, bientôt au cinéma "

Une interview dense qui annonce son projet pour mars 2015 au cinéma ...



De retour sur les planches depuis quelques jours, à Paris, la comédienne se confie. Elle évoque la pièce Kinship, parle de son image, et annonce son retour au cinéma dès le mois de mars.
Après la représentation de Kinship au Théâtre de Paris, Isabelle Adjani nous rejoint à la table d'un grand hôtel de la rue de Rivoli. La comédienne retire délicatement ses grandes lunettes, libérant instantanément le flot toujours aussi bleu de son regard.
Il est des gestes, des attitudes qui suffisent pour comprendre pourquoi une star est une star. Les yeux, la voix, le ton, la présence. Ces petits riens qui forment un grand tout et font de son retour au théâtre, après huit ans d'absence, un événement.
On vous sent heureuse sur scène...
Oui. C'est une pièce que je voulais faire pour parler des femmes aux femmes, de nos états amoureux, obsessionnels, de la façon dont on peut se laisser emporter par la foudre. J'avais envie de faire une pièce qui parle de grands sentiments, mais pas forcément avec un grand texte. Kinship raconte avec des mots très quotidiens le tragique de la recherche de l'amour dans un cadre moralisateur, surtout aux États-Unis.
Y a-t-il nécessairement une dimension tragique dans l'amour ?
Dès que l'attachement passionnel est profond, y a-t-il un espoir de bonheur ? J'ai aimé, en lisant la pièce, ce moment de dérapage qui me fait penser à l'héroïne de Liaison fatale, un film qu'Adrian Lyne m'avait proposé et que je n'ai malheureusement pas fait. La pièce est d'ailleurs construite comme un film, avec une écriture de cinéma, et même de série américaine avec trois saisons : vont-ils se rencontrer, vont-ils s'aimer, vont-ils se détruire ?
Votre retour au théâtre après huit ans d'absence correspond-il à un besoin ou à une envie ?
C'était une pulsion et un besoin parce que je me rends compte à quel point le temps passe. Je me suis demandée à un moment pourquoi je n'étais pas sur scène. Le théâtre, c'est ma relation avec le beau, avec l'intime, avec l'art. Au théâtre, les gens ne se lèvent pas pour aller chercher un sandwich ou un verre. C'est, avec l'opéra, le dernier sanctuaire de communion avec l'art vivant.
Pendant trois mois, vous êtes donc dans un rôle à plein temps ?
Il n'y a plus rien qui existe, le théâtre devient ma vie. J'ai l'impression que les journées sont une contraction du temps qui le rend illusion pour donner une libération de bonheur, le bonheur d'habiter une scène. Faire du théâtre, c'est un état amoureux.
Mesurez-vous le plaisir que les gens ont à vous retrouver sur scène ?
Ça me fait un effet incroyable. C'est absolument bouleversant. Je me rends compte que ça a vraiment un sens que je sois là. Ça me nourrit d'une manière magnifique. Quand on me dit « Vous êtes mon antidépresseur », je rejoins ma vocation de départ qui visait, quand j'étais très jeune, à vouloir m'occuper des autres. Là, tout d'un coup, je m'occupe d'eux, je les soigne un peu.
Les gens ne vous reprochent-ils pas d'être trop rare ?
Si ! Je me fais engueuler par tout le monde, les jeunes et les moins jeunes. C'est un délice. Pourtant, je suis si peu présente. C'est difficile d'arriver à croire qu'on représente à ce point quelque chose de vrai pour les gens.
Être chaque soir dans la peau d'une journaliste, c'est un clin d'œil ?
Ça m'amuse beaucoup. Mon personnage est d'ailleurs parfois impitoyable vis-à-vis de sa profession. Je n'ai pas de problème avec les journalistes, j'ai juste des problèmes avec la mauvaise foi de certains. Je n'ai pas toujours eu affaire à des gens honnêtes. C'est un euphémisme. Et comme je ne pratique pas la langue de bois, je ne cache ni mon indignation ni mon mécontentement quand ils sont là. On me le fait parfois payer. Être soi a un drôle de prix.
Le report de votre pièce a été interprété négativement par certains journalistes. D'autres ont la dent dure. Comment le vivez-vous ?
C'est bien qu'on adore ou qu'on déteste. J'ai lu dans Les Échos, une critique idiote et paresseuse, sans aucune espèce de compréhension des enjeux. On a envie de dire à ces théâtreux empêtrés dans leurs vieux codes de ne pas venir au théâtre si c'est pour ne pas s'ouvrir, ne rien sentir devant une nouvelle proposition. Il y a une espèce de tradition coincée en France qui consiste à ne tolérer que les pièces à texte et pas le théâtre contemporain anglo-saxon qui est beaucoup plus libre, désinhibé. Les donneurs de leçons et les maîtres de morale, je m'en tamponne. Le public est là, les gens ne se font plus manipuler.
Après Kinship, vous allez continuer au théâtre ?
Oui. Ma prochaine pièce sera avec Luc Bondy. On s'aime énormément et cela fait plusieurs années qu'on s'est fait ce serment. J'ai envie de faire un grand texte avec lui, plutôt du côté russe. Je veux retravailler dans le théâtre subventionné. Je suis toujours bouleversée quand je vais à la Comédie française. C'est un lieu que je n'ai jamais déserté.
Vous avez un peu moins d'envies côté cinéma ?
Non. La pièce s'arrête le 23 janvier. On partira peut-être en tournée plus tard, et j'en ai acquis les droits pour le cinéma. On va en faire un film très librement adapté. Avant cela, je vais commencer un tournage début mars. Il s'agit d'un film à partir du livre Les visages écrasés de Marin Ledun qui se passe dans un milieu que l'on pourrait apparenter à France Télécom. Le personnage principal est un médecin du travail qui décide de faire changer une situation invivable pour les salariés qui les mène potentiellement au suicide. C'est merveilleusement écrit. Je vais travailler avec Louis-Julien Petit, le réalisateur de Discountqui sort le 21 janvier. C'est le futur Ken Loach français. Hou, là, quand je vois tout ce que je vais faire, je me donne le tournis...
La réalisation, cela ne vous démange pas ?
J'en ai très envie. Il faut juste que je m'aime assez pour assumer suffisamment ce que j'ai en moi. Pourquoi, au fond, ne pas croire à ce que je veux inventer, créer ? Jusqu'à présent, je n'ai eu que des scrupules, des doutes, je me suis posé des interdits. C'est en train de changer.
Dans une interview à Nice-Matin en mai 2009, vous expliquiez vouloir casser votre image. Y êtes-vous parvenue ?
J'ai voulu mener ma vie sans me soucier des diktats du star-system, être indifférente à tout ça, sans avoir peur de ne pas être mince, de ne pas être belle, en me disant « le talent suffit ». Quelle erreur ! C'est ne pas tenir compte du regard complètement tyrannique, et misogyne au fond, qui est porté sur nous. Les femmes sont extrêmement maltraitées. On vit dans un monde où les femmes n'ont jamais été autant en danger. Quand on est une actrice, on appartient à l'imaginaire des gens. Vous les avez fait rêver, vous les avez fait fantasmer, et si vous ne correspondez pas à ça des années après, ils tapent du pied et vous jugent. C'est comme les gens qui se mettent à critiquer en balançant des saloperies sur Internet. Mais de quel droit ? La vulgarité de cette attitude est sidérante. Ça me désole sur la nature humaine.
Cette vulgarité, on la retrouve aussi à travers la téléréalité...
Parfois, j'ai honte quand je me retrouve sur une couverture d'un magazine et constate la semaine suivante que quelqu'un qui n'est célèbre pour rien fait la Une.
On offre à ces personnes une place empoisonnée et empoisonnante. Quand je vois ce qui se passe avec Nabilla, quelle cruauté ! Ce n'est pas mon monde.

Kinship, Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, jusqu'au 23 janvier; tél. 01.48.74.25.37.

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