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27 septembre 2014

Il faut prendre des risques dans la vie, LE PARISIEN 27/09/2014

Jolie surprise d'Isabelle qui le temps d'une interview en partie réalisée par des lecteurs du PARISIEN se dévoile sur différents sujets ...



Isabelle Adjani remonte sur scène, après huit ans d'absence, dans une pièce contemporaine. La politique, le terrorisme, ses passions d'actrice, ses enfants, cette star discrète se dévoile.




Photo Arnaud Dumontier

Face aux lecteurs . Isabelle Adjani remonte sur scène, après 8 ans d'absence, dans une pièce contemporaine. la politique, le terrorisme, ses passions d'actrice, ses enfants, cette star discrète se dévoile .

C'est la plus rare de nos stars. Autant dire que lorsqu'isabelle Adjani fat son entrée dans le hall du théâtre de Paris, un frisson parcourt l'assistance. Chevelure noire, chemisier moucheté, l'actrice ôte ses lunettes fumées et tend la main en souriant. "On dirait un tribunal ! " lance t elle , mi- amusée mi -inquiète, en découvrant la table où l'attendent six lecteurs du parisien- Aujourd' hui en France. pour répondre à leurs questions, Isabelle Adjani a fait une courte pause entre deux répétitions de Kinship, la pièce qu'elle jouera à partir du 21 octobre avec Carmen Maura et Niels Scheider.
"J'envisage de dormir ici, sérieusement" , glisse la comédienne, qui n'était pas revenue sur les planches depuis sa prestation en 2006 dans "La dernière nuit pour Marie Stuart", récompensée par un Molière. Jeudi, face à nos lecteurs, elle s'est montrée soucieuse de choisir ses mots avec précision, n'hésitant pas à développer sa pensée. Elle s'est confiée sur sa nouvelle aventure théâtrale, sa carrière, ses convictions, son rôle de mère, son rapport à la beauté. Sa première prise de parole , juste avant la spéciale de "Vivement dimanche" que Michel Drucker lui consacre demain à 18h 50 sur France 2.


Entretien coordonné par Thierry Dague et Alain grasset, avec la collaboration d'Elisabeth Kastler-Le scour.


SA CARRIERE

Julien Sorbon . Dans votre carrière au cinéma, y a t-il un film, une rencontre qui vous a particulièrement marquée ?

Tous les films que j'aime avoir faits m'ont marquée. Les thèmes de certains viennent traverser imperceptiblement cette pièce, je m'en rends compte chaque jour, à chaque répétition. Je me dis : là c'est comme dans "Histoire d'adèle H"... J'ai beaucoup d'affection pour Camille Claudel parce que c'est un film que l'on a initié avec Bruno Nuytten. un homme avec qui j'ai vécu et dont j'étais très admirative, et c'est très beau de faire un film avec quelqu'un qui vous aime et qu'on aime pour toujours. C'était un peu notre deuxième enfant .

Thierry Wacone . Avez - vous des regrets ?

Oui, bien sûr. J'ai toujours privilégié les exigences de la vie et parfois sacrifié certaines grandes aventures cinématographiques pour être présente auprès des miens . Qu'est-ce que cela donne ensuite dans une biographie ? Je ne sais pas .Pour moi, ce qui compte le plus dans mon métier c'est l'Humanité, c'est à dire transmettre quelque chose aux spectateurs. C'est le sens de ma vocation. Si je me conduis de façon cynique, arriviste, carriériste, mon humanité, je peux faire une croix dessus. Je préfère manquer des films qu'avoir une carrière époustouflante et devenir un monstre.

Y a t-il un rôle que vous auriez aimé jouer, que l'on ne vous a pas proposé ?

Je ne sais pas ... Scarlett O' Hara dans "Autant en emporte le vent " ! (rires) je préfère négliger de penser à cela. comme j'ai déjà tendance à rêver, je ne  veux pas un rêve déçu de plus ;

Elise Jullian. Vous deviez jouer Anne Sinclair dans le film d'Abdel Ferrara sur DSK, pourquoi avoir renoncé ?

Parce que je n'étais pas à l'aise avec le traitement qui était fait de l'histoire de ces deux personnes qui sont vivantes et déjà victimes  d'une curée médiatique . Ce qui m'intéressait au départ, lorsque le projet est né, c'était de savoir ce qui se passe quand la porte de la chambre se referme. comment ce couple dont l'empire s'écroule, en bute à l'hostilité mondiale, se parle, qu'est-ce qui se dit ? Mais au fur et à mesure que le projet avançait, je me suis rendue compte que cela devenait vraiment sur Anne Sinclair et Sur Dominique Strauss-Kahn, et pour moi, c'est juste interdit. On ne fait pas du mal aux gens sous prétexte artistique.

Domique Serrano. Vous avez un goût pour les personnages complexes . Comment vous coupez-vous  de tels rôles après un tournage ou une représentation  ?

Par la quête d'une vie extrêmement stable . Je crois beaucoup au calme dans sa vie à soi pour laisser les personnages repartir, car ce sont des entités qui vous habitent . J'aime traduire la complexité en tant qu'actrice parce que la vie est complexe, les solutions se sont jamais simples . Notre rôle, c'est de l'exprimer artistiquement et de donner aux gens un miroir de ce qu'eux -même vivent .

Clémence Couffy Aimeriez vous jouer dans une série télé ?

 Je n'aurais jamais imaginé cela mais depuis que je les regarde et que je le trouve passionnantes et parfois bien plus performantes que certains films, je me dis : oui ! Laquelle ? J'aurais bien joué dans "True detective"  avec Matthew McConaughey . Certaines séries américaines sont sidérantes d'intelligence . J'ai mes petites préférées : "Breaking bad", "House of cards".

Elise Jullian ; Vous avez enregistré un disque avec pascal Obispo, va t-il sortir un jour ?

J'ai passé mon temps, mais je ne le fais plus, à lui demander. C'est devenu un album fantôme. On l'a réalisé très spontanément, on allait enregistrer selon l'envie, comme les autres participants puisque ce sont des duos. Tout le monde a fait cela avec beaucoup de gentillesse, Youssou N'Dour, Etienne Daho, Akhenaton ... c'est lui qui a tout cela dans son studio, c'est quand il voudra !

SES CONVICTIONS

Julien Sorbon .  Vous n'hésitez plus à affirmer vos engagements. Pensez-vous qu'un artiste doit avoir un rôle citoyen ?

En tout cas , croire qu'il ne doit pas en avoir est une idiotie  .Il y a beaucoup d'artistes comme Jamel, qui ont des choses à dire et partagent leur regard sur la société. Le premier à avoir pris une place aussi déflagratrice et remarquable d'intelligence, c'était Coluche. Nous sommes des véhicules d'opinion. Je déteste être prise pour une pasionaria , je ne suis pas une intervenante systématique. Mais, si on a besoin de moi pour une urgence et que je suis d'accord, j'y vais . Je ne me demande pas comment ça va être reçu, si certains vont dire : " On l'aimait bien comme actrice mais là maintenant, avec ce qu'elle a dit , non." Il faut prendre des risques dans la vie .

Julien Sorbon . Vous êtes née d'un père algérien et d'une ère allemande. Quel regard portez-vous sur le débat qui concerne l'identité française?

Je ne me souviens pas d'avoir connu une sensation de pareille déroute civile. Je suis catastrophée par la montée d'un côté, d'un nouveau racisme , et , de l'autre, d'une nouvelle discrimination. Toute une génération devient tributaire de cette politique d'exclusion qui est menée depuis des années. Preuve en est, toutes ces adhésions au jihad. Si des français ne se sentent pas français, c'est qu'on ne les as pas aidés à l'être . c'est incroyable qu'ils veuillent se désengager d'un sol qui est le leur. Comment est-il possible d'être arrivé à ces degrés d'abandon, de désespoir ?

Elise Julian . Les actes de barbarie de ces dernières semaines vous font ils peur ?

Ce qui est terrifiant, c'est que cet Etat Islamique existe partout et nulle part, qu'on ne peut plus le repérer dans un pays ou un autre . c'est effrayant qu'une exécution aussi monstrueuse que celle qui a frappé Hervé Gourdel puisse exister en Kabylie, qui n'est pas un repaire djihadiste. C'est une politique de dissémination dont la stratégie est d'être quasiment indétectable. Cela rend le combat mené contre ces gens très complexe. C'est comme un virus qui infecte l'Europe, les Etats Unis, l'Afrique du Nord. Et on est obligé de donner la vedette à l'horreur. On se retrouve en face de fanatiques lâches qui sont tout d'un coup tout puissants . On est à leur merci .

Isabelle Frenais. Suivez-vous la vie politique française et que pensez-vous du gouvernement actuel ?

On est tous perdus, non ? De temps en temps on se fait attraper par un discours, on se dit  :ça va aller . Et puis le lendemain, on se dit : qu'Est-ce qui se passe , c'est terrible qu'on en soit à attendre un sauveur .

Thierry Wacone ; Vous croyez qu'il y a un sauveur ?

Il y a des sauveteurs  ! (Rires.) Même si chacun s'amuse à jouer au prophète .

Vous faites partie des gens déçus depuis 2012 ?

Evidemment. Peu importe pour qui on a voté, on a tous cru qu'il allait se passer quelque chose . les gens ont voté Hollande parce qu'ils étaient déçus par Sarkozy, et maintenant ils sont prêt à voter Sarkozy parce qu'ils sont déçus par Hollande. c'est le jeu des chaises musicales !

SA VIE PRIVEE

Dominique Serrano. Malgré votre célébrité, vous restez très discrète. Pour être heureux, faut il vivre caché ?

Oui, mais ça , je l'ai oublié quand j'ai commencé à être actrice. (Rires .) Je ne savais pas à quel point l'adage était vrai ! C'est foutu en ce qui me concerne ... Je ne peux pas vivre complètement cachée, j'essaie autant que je peux . J'ai besoin de ma paix, de mon refuge . Je ne peux pas respirer s'il y a toujours des gens pour me scruter . comment voulez-vous ne pas devenir fou ? quand j'ai commencé, il n'ya avait pas tous ces médias people, ces espèces de mitrailleuses numériques où l'on vous met partout, n'importe comment ...

La célébrité attire les jeunes ...

C'est un mirage. on peut être célèbre pour rien aujourd'hui, juste parce qu'on est ...con. quand je vois ceux qu'on piège dans les téléréalités, je me demande comment ils vont s'en remettre parce que ce coup de projecteur, c'est un instant qui peut tuer. Il faut faire marcher les chaînes, l'Audimat, la bêtise.

Si vous deviez débuter maintenant, vous hésiteriez ?

J'ai toujours dit que je ne referais jamais ce métier . jamais. Travailler dans un théâtre , oui. Avec des gens qui apprécient juste mon travail, qui viennent me voir. En fait, si le cinéma ne m'avait pas embarquée, je pense que je seras restée à la Comédie française et que j'y serais encore aujourd'hui. C'est le destin , c'est la vie. Un beau jour, vous retrouvez en haut de l'affiche et vous ne pouvez plus rien dire parce que c'est magnifique, et en même temps c'est terrible.

Vous pouvez toujours passer de l'autre côté...

C'est ce que je fais. j'essaie de mettre en place des productions de certains sujets, de certains livres. j'ai envie de participer à la création d'un film ou d'une pièce. je suis très tentée par la mise enscène. cela me passionne, j'adore travailler avec les acteurs.

Isabelle Frenais; Vous avez un fils avec Bruno Nuytten, Barnabé et un autre, avec Daniel Day-Lewis, Gabriel Kane. Quelle maman êtes-vous ?

On veut toujours être une bonne mère à tout prix. mais les erreurs existent. Je suis une mère inquiète, hyper protectrice. parfois cela peut les insupporter ! Mes garçons, ce sont mes hommes pour toujours. Eux au moins, ils ne quittent pas la première femme de leur vie ! (rires.)

Thierry Wacone. Votre fils aîné fait de la musique dans le groupe Aikiu, le deuxième est-il intéressé parc cette carrière aussi ?

Oui, malheureusement ! comme beaucoup d'artistes, j'aurais préféré qu'il fasse de grandes écoles. nous, nous connaissons le chemin, les difficultés, les pièges. J'ai lu que David Bowie avait mis son fils dans un pensionnat extrêmement sévère, on sent la peur des gens qui ont été super rock'n'roll dans leur vie, complètement affolés à l'idée que leur progéniture suive le même chemin;

Thierry Wacone. je vous ai toujours trouvée très belle, maintenant que je vous ai devant moi, cela n'a pas changé. votre beauté a-t-elle toujours été un atout ou parfois un poids ?

Ni l'un ni l'autre parce que je ne me suis jamais dit : oh , qu'Est-ce je suis belle. jamais; Il y a des moments dans la vie d'une femme où il y a un refus d'une certaine pression : être belle, mince, ceci ou cela. moi, il m'arrive de dire : merde. A un moment donné, je me suis dit : je suis comme je suis, je m'en fous .

Restez comme vous êtes, ça me va bien !

C'est gentil. mais là j'ai envie d'être belle, ne serait-ce que pour vous !

SON RETOUR AU THEÂTRE

Dominique Serrano. Comment vous sentez-vous à moins d'un mois de votre retour au théâtre ?

Stressée, comme tous les comédiens qui sont sur la route de la scène . on ne sent jamais prêt . J'aimerais que les répétitions se prolongent pendant des mois ! L'objectif c'est d'être prête pour présenter la pièce et d'être heureuse de cela . mais ça demande plus de travail qu'on ne l'imagine, un travail de fond avance la troupe .

Clémence Couffy. Pourquoi n'étiez-vous pas remontée sur les planches depuis 8 ans ?

Parce que le temps passe trop vite. Parce que je ne me suis pas rend compte que cela faisait aussi longtemps . parce que cest la vie .

Elise Jullian . Qu'est-ce qui vous a attirée vers cette pièce et ce personnage ?

Mon moteur principal c'est-à-dire la passion . Cette pièce écrite par une américaine, Carey Perloff, raconte une passion, un amour impossible.  La femme que j'interprète a une position de pouvoir, elle est rédactrice en chef d'un journal. Mariée, mère de deux enfants, elle va se rapprocher d'un jeune rédacteur qui est aussi le fils de sa meilleure amie; Il y a quelque chose de très actuel qui concerne la vie des femmes aujourd 'hui. jusqu'à présent , les hommes étaient seuls tolérés dans une relation avec une femme plus jeune. il y  a un côté tragédie  moderne dans la pièce. Quel que soit l'amour que l'on vit, quand  quelque chose est impossible, c'est un désastre. Ce qui n'empêche pas la cocasserie. le public va rire aussi .

Isabelle Frenais . Cela vous amuse t-il de jouer la cougar  ?

J'ai horreur de ce mot ! Non cela ne m'amuse pas , car je le prends très au sérieux. Il y a encore un regard juge, un peu moqueur, pour ne pas dire misogyne, même de la part de certaines femmes, sur cette relation particulière. Je trouve très émouvant de voir mon personnage s'inquiéter de la viabilité de cette relation. Aller jusqu'à vous dire que je suis concernée ...(rires.)

Isabelle frenais. Jusqu'ici on vous a plutôt vue sur scène  en costume d'époque, cela change t-il quelque chose de jouer un personnage contemporain ?

Cela me manque, le costume d'époque, j'aime tellement ça. Là j'aurai plus l'allure d'une executive woman que de la princesse de Clèves, malheureusement ! Mais c'est intéressant de jouer un texte actuel, d'avoir des dialogues quotidiens . Ce qui est original dans la pièce, c'est que l'auteur a écrit en pensant à "Phèdre" de racine . La relation Phèdre - Hippolyte est follement transgressive, et la plus célèbre. Dans la pièce, il y a une identification de mon personnage avec Phèdre, à son insu.



Merci à TAZ et à J.R de m'avoir signalé l'info

3 commentaires:

Inga a dit…

Merci beaucoup,Fred pour l'interview entière!

J'adore cette phrase:
Pour moi, ce qui compte le plus dans mon métier c'est l'Humanité, c'est à dire transmettre quelque chose aux spectateurs. c'est le sens de ma vocation. si je me conduis de façon cynique, arriviste, carriériste, mon humanité, je peux faire une croix dessus. je préfère manquer des films qu'avoir une carrière époustouflante et devenir un monstre.

Anonyme a dit…

MERCI FRED!!
Bel entretien; les lecteurs sont les meilleurs journalistes! Et Obispo, ma foi, je tairai ce que j'en pense, pour ne pas heurter ses fans ^^
TAZ

Unknown a dit…

AAdjani était très agréable,très naturelle et elle-même chez Drucker,c'était super et toujours cette lumière exceptionnelle dans l'intelligence des sentiments,une peau éclairée de l'intérieur et une douceur exquise.Examen passé!

Djilali.

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