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24 octobre 2013

1er avis sur le livre d'Arnaud Duprat


Un lecteur a bien voulu nous livrer son avis sur le livre d'Arnaud Duprat  : Isabelle Adjani un mythe de l'incarnation. (éditions le bord de l'eau)
Un "fan" de la première heure qui communique avec aisance son ressenti et ses premières impressions positives sur ce livre ... et vous , l'avez-vous lu ?



 
 

C'est le premier livre véritablement « adjanien » (et j'ai lu tous les autres) centré sur le cinéma. Le talent et l’expertise de l’auteur sur la nature de l'artiste servent parfaitement son propos. Le livre est bien analysé, et surtout illustré de façon pertinente.

Comme je connais les films et les pièces par cœur, tout me parle, au plan visuel et au plan sonore, comme dans la vibration quasi télépathique. J'ai attendu ce livre pour l'été, puis l'ai espéré pour la rentrée, et finalement ai plongé dans la fiole de folie des anagrammes d'un ami et voisin Jacques Perry Salkow pour tromper l'impatience d'octobre. Suspendre l'attente pour plonger dans l'identité spirituelle. Il y a pas mal d'années j'ai écrit un petit texte entre mon quotidien et les personnages adjaniens, qui avait été publié dans Isastar (magazine photocopié puis tiré en offset), cette correspondance à distance avec l'essence d'un souffle.

Pour moi le fil conducteur des rôles adjaniens, c'est porter par la beauté le sublime du drame. On a la faiblesse d'identifier la comédienne à tous ses rôles alors que c'est elle qui s'empare de ceux-ci et se les approprie à tel point qu'on ne fait plus la différence. En réfléchissant on sait bien qu'elle ne peut pas être tous ces personnages aussi différents les uns des autres. Et pourtant sa force est de les relier, les unir tous. C'est elle le fil conducteur, le lien. J'ai en tête des personnages qui iraient très bien dans la filiation adjanienne, Alexandra David Neel, Hetty Hillesum, Phèdre, Greta Garbo. J'étais en Avignon cet été, et en écoutant les souvenirs des membres du public sélectionnés par Jérôme Bel puis en écoutant Denis Podalydès lire "Avignon à vie", je me disais qu'Isabelle manquait au panthéon de l'histoire d'Avignon et à celui de la cour d'Honneur en particulier. La très belle vidéo consacrée à ce sujet dans l'exposition "Populaire" à la maison Jean Vilar me le disait aussi. Le romantisme est un point central des héroïnes adjaniennes, avec les écueils, les obstacles, l'apprentissage et les limites de la raison. Déraisonnables et libres. Avec ce petit rien de différent des autres qui crée une distance, et donne une lumière particulière.

Je sors beaucoup, théâtre, opéra, concerts, expositions, performances, je voyage dans les montagnes (13 fois en Himalaya, et aussi dans les Rocheuses, Cordillère, Alpes, Pyrénées) en quête d’absolu à ma façon, mais quand Adjani apparait c'est elle qui devient l'urgence prioritaire. Je ressens comme une gémellité, symbolique, une connivence. J'ai 55 ans et elle s'est imposée dès l'école des femmes. Cette légèreté d'une relation immatérielle, et malgré tout incarnée, est une lumière, une présence.

Revenons au livre : Les théories que développe l’auteur sur Adjani ne sont-elles pas adaptables à de nombreux artistes (mes illustrations resteront en France) ?

- L'acteur auteur :

Que serait Mortelle randonnée sans Serrault, L'été meurtrier sans Souchon, Camille Claudel sans Depardieu, La repentie sans Samy Frey, la Reine Margot sans Lisi Langlade Greggory la troupe de Chéreau, La gifle sans Ventura (et quelle main) et Girardot (ses parents de cinéma), Les diaboliques sans Stone, Le locataire sans Polanski, Barrocco sans Piser et Depardieu, Les soeurs Bronte sans Pisier Huppert Greggory Sapritch, Clara sans la bande du Splendide, etc.

- Ce n'est pas le cinéma qui a révélé Adjani à elle-même et au public mais bien le théâtre. Par contre elle a réussi le passage du théâtre au cinéma contrairement à Huster, d'autres ont fait le choix de rester au théâtre.

- D'autres comédiennes ont également tracé un parcours identifié avec une ligne de personnages, Romy Schneider (certes elle sort de Sissi mais Adjani sort de la gifle), Deneuve, Huppert, Bonnaire, Signoret, etc, c'est aussi le propre d'une génération. On pourrait dire aussi à contrario que le cinéma a aussi tendance à enfermer les artistes dans un emploi.

- Par contre il est certain qu'Adjani est très soucieuse de son image, j'espère la voir vieillir comme Madeleine Renaud, Suzanne Flon, Danielle Darrieux, Simone Signoret, Romy Schneider (partie trop tôt) Michèle Morgan (d’une élégance incroyable), etc.

- Peut-elle sortir d'un style de rôle ? Est-ce nécessaire ? Rien n'est certain.

- Les lunettes noires commencent à faire régulièrement leur apparition à l'écran, attention à cet accessoire agaçant.

- Son jeu sans texte est inégalable, le plan dans La repentie avec le sosie fils (?) De Delon, séquences d'Adolphe, Driver, Subway, Adèle etc. On rêverait d'un film muet à la Garbo (elle aussi acteur auteur, ligne de personnages, quête, rapport au sexe difficile des personnages, et blocage sur le vieillissement), autre mythe.

- Sa voix est une partition dans chacun de ses rôles, l’auteur ne cite pas à ce sujet Mortelle randonnée mais c'est le plus brillant des films adjaniens aussi dans la transformation reconnaissable avec la voix qui change. J'ai un souvenir très fort de son interprétation de Marie Stuart notamment.

- Le cinéma français ou européen est le sien, car le cinéma américain fait dans la franchise commerciale standardisée, elle est faite pour l'artisanat.

- Une étude reste à faire sur tous les films et les rôles refusés (la liste s'est encore allongée y compris dans le théâtre lors de ses aveux après le décès de Chéreau). La leçon de piano est le film quasi muet qui manque à sa filmographie.

- Le chemin d'Adjani est à un tournant, peut-elle vieillir à l'écran (je connais de nombreuses très belles femmes de 60 ans et plus, âge qu'elle aura bientôt), peut-elle changer de ligne de personnages, peut-elle créer d'autres récits, explorer la réalisation, la mise en scène ? Le veut-elle ? Une actrice reconnue comme Jodie Foster y arrive très bien.

- Adjani est victime (active ou involontaire ?) d'un piédestal où chacun veut la placer, d'enjeux de récompenses dont la liste est longue, de qualificatifs en surenchère superlative, d'exception, qui ne peuvent qu'enfermer et placer la barre toujours plus haut. Sortir de ce cercle n'est pas sans danger. Sauf à accepter de passer par le fait de ne plus plaire d'une certaine façon (expérience qu'elle traverse dans une certaine mesure) pour tracer une autre voie. L’enfermement que peuvent provoquer le statut de star, le mythe, la perfection artistique, forme autant d’écueils qui justifieraient ou expliqueraient à eux seuls les absences, les silences, les fuites et dédits.

Le prochain film sera un film choral de femmes par Audrey Dana, il reste à espérer qu’Isabelle Adjani trouve du plaisir à être à l’écran sur scène ou ailleurs encore.

Bien sincèrement.

Bruno Lonchampt

Merci à vous Bruno , pour ce témoignage  et cet avis éclairé de ce livre.
Par ailleurs vous pouvez toujours lire l'interview d'Arnaud Duprat à l'occasion de la sortie de son livre

1 commentaire:

Inga a dit…

Enfin j´ai pu lire ce livre magnifique!!!

Un vrai cadeau pour nous tous, le fans de Isabelle A!!!

Un grand merci à Arnaud Duprat pour son travail profond et bien sur à M-lle Adjani!

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