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2 septembre 2012

Interview pour le progrès.fr

Isabelle Adjani : « Alexandre Astier a, comme moi, un fond mélancolique et dépressif »







Le hasard fait que votre actualité est triplement rhônalpine. Tout d’abord, le film du Lyonnais Alexandre Astier. Il tenait à jouer face à une star qui l’impressionne. Et vous, que faut-il faire pour vous impressionner ?
J’aime l’originalité chez les êtres. J’adore rencontrer les gens qui m’apprennent. Les années passant, j’ai de plus en plus de mal à perdre mon temps dans des conversations prémâchées. J’attends de la surprise, intellectuellement et humainement. Quel bonheur de me dire, tout d’un coup, « tiens, il pense différemment », « lui, son cerveau travaille autrement ».
Alexandre Astier vous a-t-il surprise ?
Je suis très sensible aux vibrations énergétiques. Chacun dégage des ondes, on est matière et invisible. J’ai tout de suite senti, avant même qu’il ne m’amuse avec son côté pince-sans-rire génial, qu’on ne s’ennuierait pas et qu’on s’entendrait sur nos désaccords dans une relation honnête et créative. Il a, comme moi, un fond un peu dépressif. Les mélancoliques que nous sommes ont besoin de s’enfiévrer joyeusement, d’intensifier la vie et les relations, ne serait-ce que le court temps d’un film. Mon instinct ne m’a pas trompée.
Il soigne sa mélancolie par la comédie, même si les dernières saisons de « Kaamelott » sont particulièrement sombres. Quel est votre remède ?
J’aimerais détenir la réponse à cette question. Mes amis ont raison de me dire que je ne vais jamais aussi bien que quand je travaille. Mais je joue si peu ! Quand je ne travaille pas, je peux facilement me laisser envahir par les problèmes et je n’ai hélas pas une discipline qui me permettrait de soigner les idées noires et chasser les regrets.
Deuxième actualité lyonnaise : l’entretien avec la Lyonnaise Virginie Despentes pour Paris Match, dans lequel vous dites « regretter de ne pas être plus prédatrice » car « les salopes s’en sortent mieux ».
Sans vouloir m’angéliser, j’estime avoir un fond d’une honnêteté malheureusement à toute épreuve. Ca m’a joué des tours. La vie appartient à ceux qui bousillent celles des autres (elle éclate de rire). Je n’aimerais pas être de ceux-là, même si la vie est plus difficile pour ceux qui respectent une parole donnée, et dont la norme n’est pas l’arnaque. Il n’y a plus trop de scrupules à écraser son prochain. Chacun pour soi. Marche ou crève. Courage fuyons !
Sans moraliser, la vie est dure pour ceux qui essaient de se conduire à peu près bien. Plusieurs téléréalités à succès fonctionnent d’ailleurs sur ce schéma. Éduquer les générations par l’élimination et la délation, c’est horrible non ? On en arrive à apprendre à se débarrasser de l’autre, qui vous encombre parce qu’il a besoin de vous.
Et ce film de Bollywood, en partie tourné à Lyon ?
C’est un fruit exotique. Une comédie romantique bollywoodienne mais avec un message décongestionné de la tradition. Dans ce film, je joue la mère française de l’héroïne en quête de l’amour, mais qui est contre le mariage. Je suis un peu la narratrice de « Ishq (Love) in Paris » : le regard d’une femme qui a souffert en amour et qui suit sa fille dans son refus des règles. Cela a l’air joli. De là à vous dire ce qu’il en sera…
Où en est le projet Anne Sinclair ?
On le tourne dans quelques mois. Ce regard d’un américain (le réalisateur Abel Ferrara) sur le scandale risque d’ébranler le point de vue français. Au fond, qui est Anne Sinclair, comment a-t-elle réagi face à cette agression inouïe, celle d’avoir le monde entier braqué sur l’homme qui occupe sa vie ? Le mystère Sinclair fait qu’il y a sûrement plusieurs vérités. En ce qui me concerne, toute personne soumise à une épreuve intégrale, mérite mon respect, sauf si elle a porté atteinte à la vie d’un autre. Le scénario, lui, est inspiré du couple mais ce n’est pas « La Conquête ». Les personnages portent d’autres noms, je ne me déguise pas en l’une et Gérard Depardieu ne se grime en l’autre.
Décembre 2012, la fin du monde. Croyez-vous à ces prédictions ?
La fin du monde, absolument pas. La fin d’un monde, j’espère. Avant que le soleil ne se transforme en boule de feu et n’avale la terre, je suis persuadée qu’il y aura des fins de mondes, comme des civilisations qui s’éteignent pour nous dire de changer notre manière de vivre. Extinction, réanimation !
Dans quel sens ?
On est de moins en moins civilisé. De s’entre-tuer, on ne cesse. Il y a une forme de décadence qui va de pair avec les progrès technologiques, et qui fait qu’on atomise e les étapes du développement humain. Un enfant ne reste plus aussi longtemps un enfant, un adolescent doit être performant sexuellement le plus tôt possible, les filles qui ne sont pas dévergondables sont mises à l’écart… Il y a une telle maltraitance de l’être que les choses sont perverties avant même d’être écloses. Finalement, je ne serais pas mécontente qu’un événement fondamental déstabilise la planète. Si cela venait de l’univers, ce ne serait pas plus mal. Qu’on ouvre enfin les yeux pour se voir en train de se mutiler, de s’exterminer. Et qu’on soit enfin obligé de s’arrêter, le temps de tout reconsidérer, le temps d’arrêter de se prendre pour Dieu.

1 commentaire:

Inga a dit…

Absolument idem avec Isabelle A!

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