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27 mai 2012

La vie passera comme un rêve par Gilles Jacob - Part 1

En 2009 , Gilles Jacob, écrit un livre sur ses rencontres à cannes... Isabelle Adjani compose un chapitre de ce livre...




Chapitre 30 : La présidence Adjani

Que d'honneur ! Que d'honneur ! a répondu Isabelle Adjani, quand nous lui avons proposé la présidence du jury , en 1990. Suivait une jolie formule : Comment ne pas avoir envie de croire à sa propre gloire ? Comment ne pas avoir besoin de ne pas y croire ? ... Elle ne se sentait pas digne de cet événement , pas encore et nous demandait d'être patients. En septembre 1997, nouvelle tentative : cette fois le 50 ème anniversaire ne se refusera pas ! Après avoir encore hésité, isabelle avait fini par dire oui, mi-octobre. Tout d'un coup, c'était oui, cent fois oui. Elle brûlait même d'annoncer la nouvelle, là, tout de suite, car . sinon, je me connais, je vais promettre autre chose ou je finirai par ne plus avoir envie...Mais on devait respecter les préséances, convoquer le conseil d'administration pour qu'il donnât , ou pas , son assentiment ; il le donna , à l'unanimité.
Isabelle manifesta deux souhaits : être entourée d'un jury jeune; un jury composé uniquement d'artistes. Cela nous convenait à merveille. Elle voulait aussi être consultée sur sa composition. On a dit oui pour la lier encore davantage. Erreur. Comment imaginer que, dans sa quête d'absolu, bien peu trouveraient grâce à ses yeux ? Ou alors seulement des personnalités que nous aurions volontiers enrôlés nous-mêmes mais qui se révélèrent indisponibles : Emma Thompsom, ma chère complice , avec qui j'entretenais toute une correspondance, Jodie Foster, maintes fois sollicitée, mais cela ne donna rien (Jodie voulait être présidente).
Isabelle écarta des réalisateurs. Elle aurait aimé avoir Ralph Fiennes, mais lui n'était pas libre. Ralph appartenait à cette race de comédiens(anglais) qui l'attiraient et avec lesquels elle souhaitait, plus ou moins consciemment, assouvir une revanche.
Femme trahie, ce n'était pas la situation de Kristin Scott-Thomas qu'Adjani désirait si fort, et je compris que Kristin, associée, au même titre que Ralph, au succès du patient anglais, correspondait à une stratégie : braver Daniel Day-Lewis. Seulement, Kristin attendait d'un instant à l'autre d'être engagée par Redford; fine mouche, elle lui fit part de notre proposition, qui eu pour effet de faire signer son contrat au galop.
Chance pour nous, j'avais déjà l'accord de Gong Li, de Mike Leigh, de Nanni Moretti, et enfin de Mira Sorvino. Mira terminait un film le jour même de l'ouverture, mais , heureuesment, elle mourait  d'envie d'être au jury ...

La suite, les semaines ou plutôt les mois où nous nous sommes vus mirent mon flegme à rude épreuve. Un jour de contrariété, j'écrivis à Isabelle que le conseil avait défini une charte du jury idéal et qu'à l'intérieur de cette charte  nous étions contents qu'elle donne son avis. Cette mise au point la rendit abordable comme elle sait si bien l'être pourvu qu'on en passe par ses quatre volontés.
L'agréable  avec les écrivains, c'est qu'ils se décident en un instant. Ce fut le cas pour Paul Auster, et Isabelle accepta d'aussi bonne grâce Michael Ondaatje, suggéré par Auster. Nous nous mîmes d'accord sur Luc Bondy. Et sur Tim Burton qui se révéla exquis, lunaire et d'une insubmersible hilarité.
On désespérait pourtant de trouver un français. A la suite d'un dîner en ville, le nom de Patrick Dupond sortit du chapeau. Je n'aimais pas son agent, aux exigences insupportables, ni qu'il considérât le marché comme conclu. Trop tard pour reculer.

Retombées d'Hollywood : Adjani ? Vous voulez rire ! Gilles est fou, elle annulera au dernier moment.
Je frémissais, mais depuis le début de cette relation amour-haine, j'avais le sentiment qu'Isabelle nous trahirait pas. Bien sûr , on n'en parlait pas, mais l'un comme l'autre avions conscience que cette présidence allait redorer sa renommée. A condition de bien jouer la chose. Et pour bien jouer, on pouvait lui faire confiance...
Isabelle, d'ailleurs, ne se contentait pas de jouer, elle savourait la situation. Elle s'était renseignée sur les caprices des stars qui avaient présidé le jury, et elle réclamait la même chose, plus une. Par exemple, si on autorisait les jurés à s'installer le matin dans la loge réservée au maire de cannes et aux officiels, elle voulait qu'ils l'occupent à toutes les séances, eux et personne d'autre. Mais elle n'avait pas prévu que des cinéphiles viendraient la mitrailler avec leur petit appareil jetable. Elle demanda qu'on les chasse, et réclamait Kim à cor et à cri. Kim est le garde du corps préféré de Catherine Deneuve. La confrérie des cascadeurs dont Kim était issu est un milieu fermé comme un oeil au beurre noir. mais c'était du passé. A présent, Kim restait des heures à six pas d'Adjani, à inspecter la foule, comme il le faisait pour Deneuve. Kim avait compris qu'un sourire ouvre plus sûrement la voie qu'un coup de boule en pleine figure. mais il pouvait encore vous l'expédier en cas d'absolue nécessité.
Isabelle est arrivée par le Train bleu , quatre jours avant l'ouverture. Elle a failli manquer l'arrêt à Cannes parce que ni elle, ni sa secrétaire ne se sont réveillées. Aalors elle a enfilé quelque chose en hâte, s'est coiffée d'un bibi improbable et a sauté sur le quai, un peu vexée, décidément, de ne pas avoir à affronter la meute des photographes.
Pour loger son fils, la nanny, son assistant et des groupies, il lui fallut plus que la suite présidentielle. il lui fallut aussi deux fax, un four à micro-ondes, des lignes téléphoniques directes, toute une batterie d'équipements. comme pour tenir un siège ?
Elle s'était installée, puis avait terminé la jonchée d'interviews qu'elle était convenue d'accorder à une presse peu habituée à une telle aubaine : une présidente à leur entière discrétion pourvu qu'elle pût relire ses phrases, choisir les photos, adoucir les images. Mais , au total, un nombre incalculable de photos à la une, de reportages, d'émissions, une opération main basse sur les médias pour le plus grand bien de l'intéressée comme du Festival. Jamais on n'avait tant parlé de Cannes, jamais on n'avait tant annoncé, écrit, publié.Isabelle avait l'élégance et l'intelligence de ne pas se répéter. Pour le 50ème anniversaire, elle avait payé de sa personne et on pouvait déjà tout lui pardonner...Enfin , tout ...

A suivre...


 la vie passera comme un rêve de Gilles jacob aux éditions Robert Laffont - 2009

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