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15 janvier 2011

L'édito de bakchich

Bakchich arrête sa publication fin janvier l'occasion pour son président de remercier notamment Isabelle Adjani qui l'a soutenu.





Une page se tourne. Bakchich va fermer ses portes fin janvier. L’hebdo de vendredi sera le dernier, et nous maintiendrons les sites web en activité autant que possible. Retour sur nos chemins de traverse.



Nous sommes comme les chats qui meurent lorsqu’on les empêche de rêver. Notre utopie aura été de livrer, pendant les quinze mois qu’a duré l’aventure de cet hebdomadaire, une information libre et jubilatoire. « La lecture de Bakchich est rafraîchissante », nous avait écrit dans son premier message notre actionnaire Xavier Niel. Que notre généreux mécène soit ici remercié, ainsi que les quelque vingt bienveillants actionnaires, petits et grands, qui ont accompagné notre projet de journal. Notre gratitude va également à nos fidèles compagnons de route, notamment Isabelle Adjani, présidente du Club des amis de Bakchich – soit une centaine de lecteurs actionnaires charitables et dévoués qui nous ont financièrement soutenus. Sans oublier notre imprimeur, Gilbert Caron, un amoureux de la presse comme on les aime.

Bakchich Hebdo n’a pas été lancé, voici quinze mois, après une étude de marché. Notre journal est né d’un besoin irrépressible d’écrire libres et sans entraves. Et de l’espoir, aussi, que le champ de plus en plus exigu des libertés médiatiques laissait une étroite porte ouverte à un assaut de reconquête, fut-il désespéré. Comme dans les films d’Hollywood, quand la musique de fin étire tout le crin de l’archet sur les violons, nous disparaissons aujourd’hui avec un petit souffle de certitude  : avoir tenté de changer une poussière d’histoire, avoir parfois allumé un briquet dans la caverne des illusions.

GRATTER LÀ OÙ ÇA FAIT MAL

Avec quelques moyens supplémentaires pour promouvoir le titre, surveiller la distribution et agiter les réseaux médiatiques, le pari était jouable. Mais la cohorte est restée trop mince  : 10 000 lecteurs qui nous ont fait l’honneur de nous lire chaque semaine. Leurs témoignages d’amitié nous ont toujours encouragés à poursuivre encore et encore, jusqu’au dernier râle, jusqu’à ce dernier numéro. Réconfortant que le partage de cette folie.

Le nez dans le guidon, nous n’avons sans doute pas pris suffisamment le temps de lever la tête pour prendre le vent, cibler la mode, humer l’info affriolante – tout ce qui attire le lecteur au kiosque comme l’abeille à la ruche. Un peu primaire, notre manière de faire est simple, sans raffinement ni malice. La mission est de découvrir la face cachée de l’information, de gratter là où cela fait mal, d’apparaître là où on ne nous attend pas. Chercher, vérifier, interroger, déchirer le rideau des apparences. Atteindre, enfin, la réalité qui mord et qui résiste. Notre plaisir, chaque vendredi, était de dévoiler ce monde parallèle à nos lecteurs, d’éclairer les coulisses des pouvoirs, de tous les pouvoirs. Et cela dans une langue épicée et satirique, avec bonne humeur et impertinence, grâce à l’aide de ces dessins de presse qui en disent plus long que bien des éditoriaux.

REFUS DU MANICHÉISME

Les corbeaux de gauche comme de droite qui ont affirmé voir dans certains de nos articles la main de Lucifer se sont trompés. Le diable n’existe pas. Mais nous les comprenons  : lire un journal libre, inattendu, n’est pas toujours un travail reposant.

Ainsi, nos amis de gauche ont été plus d’une fois ulcérés que Bakchich ne serre pas les rangs autour d’eux, au nom de lendemains communs et qui déchantent. Il n’y a pas grande raison de ne pas égratigner les socialistes lorsqu’ils se montrent timorés pour dénoncer le pouvoir sanglant d’un Ben Ali en Tunisie, un joli paradis pour les vacances de nos élites politiques.

Nos grandes consciences de gauche auraient dû y regarder de plus près.

À Bakchich, nous avons toujours lutté contre la précarité  ; les quinze salariés, dont quatre anciens stagiaires, sont tous sous contrat. Pas de stagiaires longue durée ni de bénévolat. Dans une extrême transparence, la grille de salaire au sein de l’équipe a toujours été très resserrée, de un à deux. Autant de pratiques plus progressistes que celles de beaucoup de médias dits « de gauche ».

À droite, où l’on craignait le pire, beaucoup ont été surpris par notre refus de tout manichéisme. Dans des dossiers comme celui de Karachi, qui mettait en cause le pouvoir sarkozyste, Bakchich s’en est tenu aux faits, rien qu’aux faits, qui ne faisaient pas du chef de l’État le responsable de la disparition tragique de onze Français en 2002…

Les chemins de traverse que nous aimons ne nous ont pas toujours ouvert grandes les portes des revues de presse. Les « grands » médias nous ont ignorés, sauf au moment de piller nos informations. Les juges nous ont tant aimés qu’ils viennent de lancer une dernière salve, un dommage de 40 000 euros accordé au député UMP David Douillet, un honnête homme.

Dans vingt ou trente ans, des thésards plongeront dans les archives et décrieront les dernières traces de cet artisanat délicat que fut le métier de journaliste indépendant. De l’hebdo de Bakchich, ils diront que ce fut une belle histoire.


Nicolas Beau

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