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20 octobre 2006

Vogue italien 2004, l'interview



"J'ai connu Isabelle en vacances dans la maison d'amis communs à Biarritz. Elle venait juste de vivre un drame, elle était blessée et désespérée. Un soir, pendant un dîner, Isabelle, qui était assise à côté de moi, s'est tournée vers moi et m'a dit : "tu n'as pas de chance de m'avoir comme voisine de table ; je suis si triste..." Je lui ai répondu que je l'aurai fait changer d'humeur avant la fin de la soirée et alors j'ai chanté, dansé, j'ai grimpé aux arbres comme je le fais souvent. Alors elle est devenue joyeuse, joueuse, si bien qu'en rentrant à la maison à dix dans une voiture, c'était elle qui faisait chanter et rire tout le monde. C'est ce qui rend Isabelle surprenante et imprévisible. Les années ont passé depuis, mais chaque fois qu'elle me téléphone, il y a ce même mystère dans sa voix douce et pleine d'humour, et cette intonation qui lui est propre.


Quand elle me donne rendez-vous, son apparition étrange s'accompagne de gloire et d'incertitude. Et sur son visage pure restent apparentes les couleurs de l'enfance tandis qu'elle joue à un jeu difficile aujourd'hui : être une star. Et c'est vraiment la star fascinante qu'a capturé Deborah Turbeville dans ces pages. Ici, les photos défilent comme les images d'un film. Mais elle, s'en souvient-elle? "Je ne parlerai pas de souvenirs, nous les avons faites il y a si peu de temps. Je n'ai pas eu l'impression d'être photographiée, mais d'avoir été sous le regard de Deborah Turbeville. Elle, elle n'est pas simplement une photographe, elle est différente, c'est un maître de la composition scénique et moi j'aime la puissance de ses "tableaux". Elle se rend invisible pour mieux capturer l'état dans lequel se trouve son sujet : ses humeurs et ses émotions. Je n'ai fait aucun effort ; je suis simplement restée moi-même pendant ces deux jours passés devant son regard. En plus, par pure coincidence, mon état d'âme intime était absolument en totale adéquation avec son univers. Une femme d'émotion, Isabelle Adjani, est aussi romantique, comme souvent le sont ses personnages? "Je suis une vraie romantique, moi je suis romantique comme d'autres croient en Dieu. Très jeune, j'ai interprété des rôles de femmes marquées par la passion amoureuse, comme A. H. de Truffaut, rôle prophétique, prémonitoire ; et plus tard des grandes amoureuses comme Camille Claudel de Bruno Nuytten. Grâce à l'expérience de ma vie sentimentale. N'est-ce pas un vrai destin romantique pour une actrice? La conversation continue sur le thème du cinéma et deux questions, dues à la curiosité, surgissent spontanément, son expérience étant si riche : quel film absurde accepteriez-vous de tourner et lequel au contraire refuseriez-vous? "Pour moi ce serait absurde un film dans lequel j'interpréterais le côté le plus vrai de ma vie privée, ce serait à mourir de rire. Mais sûrement pas quand je suis angoissée à l'idée d'avoir eu une relation avec un psychopathe que j'ai stupidement prise pour un prince charmant. Un film que je ne tournerai jamais en revanche, continue-t-elle, c'est "Le Silence des agneaux 3" : il serait nécessairement encore plus horrible que les deux précédents pour des raisons commerciales, parce qu'également Julianne Moore le refuserait, comme l'avait fait Jodie Foster pour le second et parce que la production, pour le énième, ne donne pas le rôle à une américaine, mais à une actrice européenne. Les actrices françaises et italiennes ont la réputation d'accepter facilement de se dépouiller et d'être prêtes à tout pour apparaître dans un film, par dessus tout dans un film hollywoodien. Et pourtant moi, ce n'est pas le cas, et en plus je déteste les films d'horreur". Au cinéma comme dans la vie, quelle est la pire trahison qui peut arriver de la part d'un ami? "M'abandonner sans explications", dit-elle, "vous ne me croirez pas si je vous dis que l'homme avec lequel j'étais depuis deux ans m'a trompé ..., et qu'il m'a véritablement utilisée .... Que cet ami ne fut pas disponible à un moment où ma vie et la confiance en moi-même me précipitèrent dans le vide quand je découvris que j'avais été profondément trahie et manipulée. Par chance, mes amis ont tous été à mes côtés, parce que cette histoire, je viens juste de la vivre. Et eux ont compris que la vérité se trouvait de mon côté et ils se sont érigés contre le mensonge et contre le mal que cet imposteur me faisait". Vraie star, Isabelle Adjani, se trouve par la force des choses, au centre de l'attention et du jugement du monde entier. Et vous jugez-vous les autres? "J'ai pour les autres beaucoup de compréhension, de compassion. Parfois trop, mais c'est comme ça, c'est dans ma nature. J'aime aller aux Etats-Unis parce que, même si la société américaine est conservatrice, là-bas on juge moins ; la diversité de nos choix de vie, de carrière, comme si d'un certain côté, ils sont acceptés. Là-bas, on a le droit d'avoir la tête plus haute que celle des autres, ils ne veulent te la couper quand tu touches le ciel comme en France. Je n'aime pas être jugée, alors bien sûr je n'aime pas juger. Je cherche à ne jamais faire aux autres ce que je ne veux pas que l'on me fasse. J'aime les personnes qui me surprennent par leur gentillesse, leur délicatesse. Je trouve que ce sont des qualités qui manquent cruellement, comme si l'originalité et la bonté étaient signes de perte de temps et d'argent. Le profit à tout prix tue ce qu'il y a d'humain en nous. C'est-à-dire l'essentiel". Et la morale? Cela me plaît, au sens d'éthique, mais pas moralisateur. Le manque d'intégrité, de parole, de code d'honneur, est pour moi quelque chose d'indigne, un vrai "turn off", mais je n'aime pas la morale qui fait la morale." En parlant avec une femme, belle et fascinante, on en vient naturellement à parler de mode, de luxe, de goût. "Le luxe, c'est le confort du raffinement et le raffinement du confort. Draps en coton très fin ou en lin doux et frais et les détails d'une maison tenue à la perfection, mais avec poésie, c'est-à-dire sans le côté recherché et formel des demeures trop riches. Le luxe c'est aussi les voyages sans stress. Et dans la mode, le luxe pour moi, c'est le vêtement qui épouse une allure, une ligne ; noblement, élégamment. C'est une harmonie, une fluidité, une grâce, peu importe la marque, la signature. Mes références vont à Audrey Hephburn et Grace Kelly jeunes, en passant par Silvana Mangano et Anna Magnani, et enfin Fanny Ardant, Nicole Kidman, et la reine Rania de Jordanie. Et puis quant au bon goût, continue-t-elle, c'est peut-être une sorte de sens supplémentaire qui permet d'écouter, présentir, voir ce qui est du côté du bon goût. Moi j'aime le mélange du classique et de l'excentrique. [pô compris] Le mauvais goût, c'est le manque d'instict pour le bon goût." Si parmi les choses qu'elle ne mettra jamais, elle indique les shorts et les strings, à la question "pourquoi te caches-tu derrière tes lunettes et ton chapeau?", elle répond sèchement amusée : "parce que tu me fatigues, mon cher!" Et à la reflexion "si tout passe de mode, que reste-t-il à la fin?", elle réplique en riant : "toi et moi". Complexe, à différentes facettes, joyeuse, réfléchie, une star comme elle, peut-elle s'aimer? "Et toi, mon petit?" demande-t-elle, désarmante. "Mais si, mais si. De quelque façon assez pour détester l'idée que l'on puisse croire que je n'aimerais pas m'aimer à la folie! Et j'entends", rit-elle, "être sur la bonne voie".


Vincent Darre.

8 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
fredjani a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

J'avais oublié comment elle parlait de sonhistoire d'amour malheureuse... Elle a du vraiment souffrir.

Anonyme a dit…

J'ai toujours pensé qu'elle disait la vérité a propos de cette histoire.L'ex femme de ce monsieur en question disait les mèmes choses a mots couverts.

Anonyme a dit…

Isa aurait du parler à mots couverts! ;)
Enfin! C'est fait, c'est fait, comme elle dit... il aurait fallu lui mettre du scotch sur la bouche!

fredjani a dit…

lol
Décidément je ne suis jamais d'accord avec toi tazyzas !
Moi je trouve qu'Isabelle a bien fait, et c'est la seule a pouvoir faire des commentaires sur sa vie privée : j'ai vraiment été ému par ce qui lui arrivait ...le cinéma a rejoint la réalité, on aurait dit un film de Masson ...sauf que c'est bien sa vie ...
Je ne sais pas pourquoi elle devrait regretter, elle a été victime...et moi très déçu par ce musicien que j'aimais bien ...
Les yeux d'isabelle aurait été bien mieux sur son dernier Cd que ceux de Parillaud ...
et perso je suis pas prêt d'acheter un de ses disques... mais bon suis pas objectif!
Ah au fait Tazyzas je t'adore quand même !!! Car t'apporte toujours des éléments (ou je te les pique !!!), alors merci !

Anonyme a dit…

Juste pour préciser que je ne suis absolument pas l'auteur de la traduction....

fredjani a dit…

oups ...j'avais cru !

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